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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arrivée à Dijon, en effet, elle avait refusé tout net la
proposition radicale d’Esteban :
    – Vous
voulez la mort de cet homme ? lui avait dit le Castillan. C’est la chose
la plus facile du monde. Je l’attends un soir à son entrée ou sa sortie de chez
lui et je vous l’étrangle.
    C’était
simple, en effet, trop simple même et surtout trop rapide. Elle ne voulait pas
que le bourreau de sa mère tombât soudainement dans la mort, frappé d’un coup
qu’il n’aurait pas vu venir et sans savoir qui l’avait ordonné. Fiora voulait
être l’instrument de la vengeance ; elle entendait savourer le trépas de
son ennemi En digne fille de la subtile et cruelle Florence, elle était décidée
à dépenser le temps et l’or qu’il faudrait afin que cette mort atteignît à la
perfection d’une œuvre d’art...
    Elle y
songea longuement ce soir-là, les yeux perdus dans l’azur pâlissant du ciel où
se poursuivaient des bandes d’oiseaux, écoutant les bruits de cette ville où
elle était née et que, cependant, elle ne connaissait pas. Contrairement à
Florence si animée au coucher du soleil, Dijon, à la fin du jour, paraissait s’endormir
sous ses toits dont les tuiles de couleur jaune, rouge ou noire, dessinaient
des tapisseries entre les bouquets verts des jardins... Dans chaque quartier,
le bourgeois le plus considérable se rendait auprès du vicomte-mayeur [ii]   afin de lui
remettre les clés de la porte dont il avait la garde. Ces hommes, pour qui c’était
un fief viager, avaient la responsabilité de ces portes dont ils entretenaient
les défenses à l’aide d’une part des droits de vivres et de marchandises. Ils
se rendaient toujours en cérémonie à la maison de ville, mettant un point d’honneur
à conserver cet usage un peu solennel dans une cité que ses ducs désertaient le
plus souvent. Et Fiora savait que Pierre Morel avait la charge d’une de ces
clés.
    Quand
elle l’eut entendu rentrer et que les marguilliers de Saint-Jean eurent sonné
le « crève-feux » après lequel les rues devenaient désertes hormis
pour les amateurs d’aventures, Fiora descendit dans la salle où Léonarde
achevait de ranger après le souper auquel la jeune femme n’avait pas voulu
participer. Démétrios et Esteban, assis auprès d’une fenêtre, profitaient des
derniers instants de lumière pour disputer une partie d’échecs mais tous
levèrent des yeux surpris en constatant que Fiora portait le costume de garçon
dans lequel elle avait quitté Florence et tenait à la main un chaperon d’homme
destiné à cacher ses cheveux.
    – Doux
Jésus ! s’écria Léonarde. Où prétendez-vous aller à cette heure, mon
agneau ?
    – Pas
très loin. Je voudrais aller voir de près la maison de du Hamel, dès qu’il fera
nuit tout au moins. Si Esteban veut bien m’accompagner...
    – Naturellement,
dit le Castillan qui se leva aussitôt. Mais pour quoi faire ? Le maître n’est
pas encore rentré...
    – C’est
la raison pour laquelle je veux y aller. Quand il sera revenu, cela ne sera
plus possible...
    – Qu’as-tu
derrière la tête ? demanda Démétrios qui avait pris le roi d’ivoire et l’examinait
comme s’il s’agissait d’un objet rare.
    – Je
te le dirai plus tard. Pour l’instant, je désire voir le jardin et, si
possible, y pénétrer.
    Démétrios
rejeta la pièce d’échecs et fronça les sourcils :
    – C’est
de la folie ! A quoi cela t’avancera-t-il ?
    Sans
répondre, Fiora alla jusqu’à un dressoir où se trouvait une corbeille de
cerises, en prit une poignée et se mit à les croquer tout en regardant le ciel
s’obscurcir lentement :
    – Dans
ces conditions, j’irai aussi, soupira Démétrios.
    – Je
préfère que tu restes avec Léonarde. Je n’en aurai pas pour longtemps et on
remarque moins deux personnes que trois...
    Le
Grec n’insista pas. Il savait qu’il était inutile de discuter avec la jeune
femme quand elle employait un certain ton. Pour en atténuer le côté
péremptoire, elle ajouta gentiment :
    – Sois
sans crainte, tu sauras tout. Je t’expliquerai à mon retour.
    Quand
la nuit fut complète, Fiora et Esteban quittèrent l’hôtel en évitant de faire
le moindre bruit et gagnèrent l’angle de la rue du Lacet où ils restèrent un
instant cachés dans l’ombre épaisse fournie par l’encorbellement d’une maison,
observant celle de du Hamel. Esteban avait conseillé cette halte :
    – Mieux
vaut

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