Fiora et le Téméraire
cette
cave, quelqu’un pleurait...
Se
jetant à genoux, Fiora se courba pour essayer d’apercevoir quelque chose mais
ses yeux ne purent fouiller l’obscurité.
– Qui
pleure ici ? murmura-t-elle, bouleversée par cette invisible douleur qui
évoquait celle d’une âme en peine. Puis-je vous aider ?
Les
sanglots cessèrent sur un reniflement. Fiora allait renouveler son appel quand
un vacarme de verrous tirés parvint jusqu’à elle, suivi d’une voix rude qui
grondait :
– Assez
pleuré comme ça ! Tu m’empêches de boire ! ... J’ veux plus t’entendre,
t’as compris ?
Le
silence retomba, à peine coupé par un petit gémissement. La créature enfermée
là s’efforçait sans doute de contenir ses sanglots. L’homme qui devait être le
second valet ne bougeait pas. Et soudain, Fiora entendit :
– Tu
peux pas dormir ? ... Pas étonnant avec c’t’attirail ! ... Tiens !
bois un coup... et si t’es gentille t’en auras encore...
Il y
eut un bruit de chaînes puis un lappement semblable à celui d’une bête qui
boit. L’homme éclata de rire :
– Là !
Tu vois ? Ça va mieux ! ... Allez, laisse-toi faire ! Autant s’amuser
un peu, pas vrai ? Tant qu’ le vieux est pas là !
Fiora,
épouvantée, n’eut aucune peine à identifier les bruits qui suivirent.
Lentement, se retenant même de respirer, elle s’éloigna du soupirail et
rejoignit le mur sur lequel Esteban se morfondait. A nouveau il l’aida à
grimper jusqu’à lui.
– Alors ?
Vous avez trouvé quelque chose ?
Elle
appuya vivement sa main sur la bouche de son compagnon.
– Oui,
mais ce n’est pas l’endroit pour en parler. ! souffla-t-elle.
Quelques
minutes plus tard ils étaient de retour et Fiora faisait le récit de son
aventure avec la passion qu’elle mettait toujours lorsque son cœur était touché :
– Il
y a une femme dans cette cave, une femme enchaînée sans doute et qui sert de
jouet à ces misérables. Il faut faire quelque chose !
– Je
ne demande pas mieux, fit Démétrios, mais quoi ? Pénétrer dans cette
maison par la force ? Tu as pu constater toi-même que c’est impossible.
Dénoncer le sire du Hamel aux autorités ? Nous ne sommes que des étrangers,
on ne nous écouterait même pas et avant qu’une enquête, si nous l’obtenions,
soit entamée, cette malheureuse aurait sans doute disparu. De toute façon, si l’histoire
que t’a racontée Chrétiennotte est véridique, est une situation qui dure depuis
pas mal de temps...
– Est-ce
une raison pour qu’elle s’éternise ? Il faut que j’entre dans cette
maison, il le faut à tout prix. Sinon, comment atteindre du Hamel ?
– Quand
il sera là nous aviserons...
– Il
faut aviser avant et nous préparer. D’ailleurs, j’ai une idée, risquée sans
doute, mais c’est notre seule véritable chance.
– Laquelle ?
– Je
t’expliquerai. En attendant, il me faut trois objets.
– Qui
sont ?
– Une
robe de velours gris dont je donnerai le modèle, de faux cheveux blonds... et
la clé de la maison du Hamel. Il doit être possible de la voler à l’un des
valets quand il sort la nuit pour aller chez les filles.
– Ça
doit pouvoir s’arranger, approuva Esteban. J’aurai cette clé... mais il faudra
agir dès qu’elle sera en notre possession.
– Une
heure devrait suffire, dit Fiora mais peut-être, ensuite, serons-nous obligés
de quitter la ville...
Le
lendemain, comme il avait été dit, dame Morel-Sauvegrain se présenta chez sa
jeune locataire pour faire sa connaissance et prendre des nouvelles de sa
santé.
Fidèle
à son rôle, Fiora la reçut avec un empressement qui n’était pas exempt d’une
certaine curiosité car cette dame connaissait bien l’homme contre lequel
Démétrios et elle-même s’étaient unis par un lien de sang.
L’ancienne
nourrice ducale était une grande femme de plus de soixante ans mais qui
conservait de la fraîcheur et dont les cheveux argentés se souvenaient qu’ils
avaient été blonds. Elle portait avec élégance le deuil, jamais quitté, d’un
époux mort depuis trente-sept ans, mais ce deuil était de soie brodée et sa
haute coiffe s’ornait de précieuses dentelles.
Une
immédiate sympathie rapprocha les deux femmes. Fiora remercia son hôtesse des
attentions qu’elle avait eues pour elle et dame Symonne déplora qu’une si jeune
créature soit contrainte au repos.
– Est-ce
que la campagne ne serait pas meilleure
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