Fiora et le Téméraire
encore, peut-être, par ce qui allait se passer. Elle avait lutté
de toutes ses forces pour détourner la jeune femme de son dangereux projet...
– La
haine de cet homme n’est pas éteinte, mon agneau. S’il allait vous tuer ou
seulement vous blesser ?
– On
ne tue, on ne blesse pas un fantôme ! Et je ne serai pas seule. Démétrios
tient à entrer avec moi pour s’occuper du valet de garde...
– Cette
vengeance vous tient donc tellement à cœur ? L’homme est vieux, il ne
vivra plus très longtemps...
– Trop
longtemps de toute façon pour la malheureuse qu’il retient captive. Je vais
prendre une vie mais en libérer une autre...
Démétrios
frappa à la porte et pénétra sans attendre d’y être prié mais s’arrêta net à l’entrée
de la chambre, considérant la jeune femme qui se tournait vers lui.
– Comment
me trouves-tu ?
– Impressionnante...
même pour moi ! N’oublie pas le voile blanc et, auparavant, laisse-moi
parfaire notre œuvre !
S’approchant
de la jeune femme, il lui passa, autour du cou, un mince ruban rouge puis,
prenant des mains de Léonarde une grande pièce de mousseline blanche, il la
jeta sur la tête de Fiora dont le personnage devint brumeux à souhait sans
toutefois cesser d’être reconnaissable...
– Il
faut me laisser ma liberté de mouvements, dit-elle en désignant la dague qu’elle
portait attachée à sa haute ceinture mais dissimulée dans les plis de la
robe...
Le cri
d’un oiseau de nuit, répété trois fois, se fit entendre par la fenêtre ouverte :
– C’est
Esteban, dit Démétrios, il nous attend. Viens à présent si tu es toujours
décidée !
– Plus
que jamais !
Elle s’enveloppa
d’une ample et légère mante de soie noire destinée à la rendre invisible dans
la nuit et suivit Démétrios. Bien graissée, la porte de l’hôtel s’ouvrit sans
bruit et, un instant plus tard, Fiora et Démétrios rejoignaient Esteban.
– Tu
as la clé ? demanda le Grec.
– Sinon
je n’aurais pas sifflé, mais faites vite tout de même, le gros Claude qui a bu
comme une éponge dort dans les bras d’une fille de la rue du Griffon mais il
pourrait se réveiller.
– De
toute façon, dit Fiora, s’il ne retrouve pas sa clé ce sera sans importance. La
maison sera ouverte...
– Je
tiens tout de même à la lui rapporter. Pour le bon ordre et pour que les hommes
du prévôt ne se posent pas trop de questions demain quand ils découvriront le
cadavre.
En
deux sauts légers, le Castillan fut à la porte qui s’ouvrit sous sa main sans
le moindre grincement. L’obscurité de la maison engloutit les trois amis qui
restèrent immobiles un moment pour habituer leurs yeux aux ténèbres
environnantes. L’absence de fenêtres ne rendait pas la chose aisée mais ils
aperçurent finalement un charbon qui rougeoyait, probablement dans une
cheminée, et Esteban alla y allumer la chandelle qu’il avait dans sa poche. Ils
virent alors qu’ils se trouvaient dans une cuisine au fond de laquelle
apparaissait la spirale d’un escalier et la porte donnant sur le jardin.
Personne n’était en vue.
Fiora
abandonna sa mante noire et disposa son voile blanc de façon à garder l’usage
de sa main droite. Esteban marchant en tête, ils se dirigèrent vers l’escalier
qu’ils montèrent aussi silencieusement que possible et ils atteignirent ainsi
la grande salle qui était parfaitement vide.
– Ils
doivent être en haut, chuchota Esteban. Effectivement, quand sa tête émergea au
ras du second étage il aperçut Mathieu, le second valet, qui dormait
profondément, étendu devant une porte, sur une simple couverture. Il n’était
pas difficile de deviner qui reposait derrière cette porte...
– Reste
là ! souffla Démétrios à l’oreille de Fiora. Il faut que nous nous en
débarrassions...
Esteban,
souple et silencieux comme un chat, se glissait déjà vers le dormeur qui, du
fond de son sommeil dut deviner son approche car il remua, grogna et changea de
position. A genoux à deux pas de lui le Castillan retenait sa respiration.
Mais, avec un soupir de contentement, Mathieu se rendormait. Alors, d’un maître
coup de poing, asséné avec la rapidité et la force de la foudre, Esteban l’assomma.
Ensuite, aidé par Démétrios, il tira sur la couverture lui servant de couche pour
éloigner l’homme de la porte. Le chemin était libre à présent pour Fiora qui
vit un mince rai de lumière filtrer à l’endroit
Weitere Kostenlose Bücher