Fiora et le Téméraire
vrai, de la rentrée du groupe.
Fiora
décréta d’emblée que l’on donnerait son lit à l’inconnue mais Démétrios ayant
obligeamment décidé de partager le sien avec son « secrétaire », c’est
finalement dans la chambre d’Esteban que l’on porta la rescapée auprès de
laquelle Léonarde s’empressait déjà. Elle envoya le Castillan faire chauffer de
l’eau à la cuisine, pendant qu’aidée de Fiora elle délivrait la malheureuse de
ses haillons infects. Le corps qui leur apparut était maigre, couvert de
marques pénibles mais plus formé toutefois que ne le pensait Fiora qui,
jusque-là, n’avait pas attribué plus de quinze ou seize ans à la prisonnière.
– Elle
doit avoir une vingtaine d’années, apprécia Léonarde, qui ajouta, examinant le
ventre légèrement gonflé : Je me demande si elle n’est pas enceinte...
– Cela
n’aurait rien d’étonnant d’après ce que j’ai perçu par le soupirail, dit Fiora.
L’une de ces brutes s’amusait d’elle et peut-être bien les deux...
Démétrios
qui était allé prendre chez lui ce dont il pouvait avoir besoin rentra à cet
instant mais infirma le diagnostic de Léonarde...
– e
ne pense pas. Mais je me demande qui elle peut être et pourquoi ces misérables
la tenaient séquestrée ?
L’inconnue
ne disait toujours rien. Elle tenait ses yeux fermés et se laissait faire comme
si elle n’avait plus la force d’accomplir le moindre geste. Entre les mains de
Démétrios qui l’examinait, elle était aussi molle qu’une poupée de chiffons.
– Elle
a dû être battue souvent car certaines de ces traces sont anciennes et elle a
sans doute manqué de nourriture, mais elle devrait être en assez bonne santé...
– Tu
as oublié qu’elle semble muette ? dit Fiora. On lui a peut-être coupé la
langue ?
Démétrios
s’assura aussitôt qu’il n’en était rien puis déclara que la terreur et les
mauvais traitements pouvaient priver quelqu’un de la parole, parfois pour un temps
et parfois pour toujours.
– Lorsqu’elle
sera en meilleur état, nous tenterons une petite expérience, ajouta-t-il. Pour
l’instant c’est trop tôt...
Léonarde
et Fiora lavèrent de leur mieux la rescapée avant de lui passer l’une des
chemises de Fiora. On enduisit de baume ses poignets que les fers avaient mis à
vif et on les banda de fine toile. Puis on s’attaqua au visage que l’on avait
gardé pour la fin. On le débarrassa de la crasse et des traces de sang que l’on
y voyait mais on ne put estomper les bleus qui dénonçaient les coups reçus.
– Quels
beaux cheveux ! soupira Fiora en maniant la longue chevelure blonde. Quel
dommage qu’ils soient si sales ! Il faudrait les laver !
– Soyez
sûre que nous n’y manquerons pas quand elle sera assez forte pour cela... Oh !
voyez, mon agneau, elle ouvre les yeux !
Les
deux femmes et le Grec se penchèrent sur le lit où l’inconnue venait, en effet,
de soulever ses paupières, révélant des prunelles d’un bleu pâle tirant
légèrement sur le vert. Elle regarda les trois visages et s’efforça de sourire
sans y parvenir réellement.
– Vous
êtes en sûreté ici, dit doucement Fiora. Personne ne vous fera plus de mal et
nous veillerons sur vous...
– Nous
allons commencer par vous donner quelque chose à manger, fit Léonarde, et un
peu de lait à boire...
– Avec
ce temps orageux votre lait a dû tourner, dit Démétrios. Faites-lui plutôt une
tisane de tilleul bien sucrée au miel dans laquelle vous mettrez une pincée de
ceci, ajouta-t-il en lui tendant une petite boîte de bois peint.
Demeuré
seul avec Fiora, Démétrios revint vers le lit et considéra le jeune visage
douloureux qui ressortait sur la blancheur de l’oreiller. Soudain, il se pencha
et prit le chandelier qui brûlait au chevet pour l’élever au-dessus du lit.
– Sais-tu,
murmura-t-il, que cette malheureuse te ressemble ?
– A
moi ?
– Oui...
pas beaucoup d’ailleurs. En fait, c’est surtout à ce garçon qu’elle ressemble,
ce jeune moine échappé que nous avons envoyé à la guerre.
– Christophe ?
Tu penses qu’elle pourrait être de la famille ?
Léonarde
revenait avec sa tisane et, tandis que celle-ci refroidissait assez pour être
buvable, Fiora lui fit part de l’idée de Démétrios en ajoutant qu’elle ne
voyait pas très bien qui la jeune femme pouvait être. Mais Léonarde, elle,
voyait. Après avoir considéré de plus près le
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