Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
hirondelles, rapides et à peine visibles tant elles volaient
haut, traversaient comme des flèches noires. Le vacarme des cloches annonçant
les offices avait remplacé le tintamarre habituel de la grande cité où, en
semaine, on était réveillé, tôt le matin, par le claquement des volets que les
marchands rabattaient en ouvrant leurs échoppes et par les cris des garçons d’étuves
annonçant que les bains étaient chauds... Pas davantage de ces encombrements rendus
inévitables par l’étroitesse et les détours des rues. Les voix fraîches ou
puissantes des marchandes de la Halle qui, paniers au bras ou escortées d’un
âne, vantaient au chaland le beurre de Vanves, le cresson d’Orléans, les
échalotes d’Étampes, l’ail de Gandelu, les oignons de Bourgueil, les œufs de
Beauce, les fromages de Brie ou de Champagne, s’étaient tues elles aussi. On ne
rencontrait que gens vêtus de leurs plus beaux atours avec lesquels on
échangeait un salut ou quelques mots. Certains s’étonnaient de voir Agnelle
sans son Agnolo qui, en chrétien scrupuleux, ne manquait jamais l’office du
dimanche et il fallut répéter tant de fois que maître Nardi était souffrant que
l’on faillit arriver en retard.
    – Ne
saurait-on vraiment manquer un office religieux sans en donner la raison à
toute la ville ? fit Agnelle d’un ton mécontent. Et j’imagine que l’on va
par la même occasion se demander pourquoi nous allons à Notre-Dame plutôt qu’à
Saint-Merri ?
    – Vous
voyez bien ! Vous n’auriez rien dû changer pour moi à vos habitudes...
    – Mais
il m’arrive assez souvent de me rendre à la cathédrale ! C’est si beau !
Et puis c’est aujourd’hui l’Assomption !
    Fiora,
qui avait refusé d’accompagner Léonarde au jour de leur arrivée dans sa visite
de bienvenue, le regretta en pénétrant dans l’immense nef toute rayonnante de
centaines de cierges. Il y avait beaucoup de monde autour du maître-autel
derrière lequel s’étageaient les châsses et les reliquaires d’or de nombreux
saints, mais Agnelle et sa compagne purent trouver place dans les premiers
rangs d’une foule que la magie des vitraux jointe à l’éclat du soleil colorait
diversement. Et les yeux émerveillés de la Florentine, cependant habitués à la
beauté des édifices sacrés, allaient de ces hautes ogives flamboyantes à la
grande rosace scintillante au-dessus du portail d’entrée.
    Tout
le clergé était dans le chœur, en habits rouge et or, entourant le haut siège
où avait pris place un hôte de marque : l’aimable cardinal de Bourbon,
cousin du roi et primat des Gaules, qui étalait les moires pourpres de sa
simarre sous le dais décoré à ses armes sommées d’un chapeau cardinalice.
Auprès de sa splendeur, l’évêque de Paris [viii] semblait insignifiant...
    – Nous
avons de la chance, souffla Agnelle. Son Éminence n’est pas souvent à Paris l’été.
C’est la période où elle se rend plus volontiers dans sa ville archiépiscopale
de Lyon mais le roi a dû l’envoyer pour rassurer les Parisiens. Il appartient
en effet aux deux partis en présence : son frère Pierre de Beaujeu ayant
épousé il y a deux ans la fille aînée du roi et, par sa mère Agnès de
Bourgogne, il est allié aussi au Téméraire. Ce qui, on le conçoit aisément, ne
lui facilite pas toujours la vie...
    – Chut !
souffla quelqu’un et Agnelle, confuse, opta de cacher son visage dans ses mains
pour s’abîmer dans la prière.
    Le
cardinal d’ailleurs s’était levé et, de sa voix nonchalante de grand seigneur
désabusé, adressait quelques mots au peuple de Paris, l’exhortant à garder
confiance dans le Seigneur, dans la sagesse de son souverain et dans la
solidité de ses murailles. Il l’assura aussi de ses prières et de son soutien
en toutes choses. Après quoi, au milieu d’épais nuages d’encens, la messe
commença par le chant du Veni Creator... Mais Fiora ne voyait plus rien :
ni l’imposante silhouette de Mgr de Bourbon, ni les aubes de dentelle, ni les
chasubles d’or qui se mouvaient dans le léger brouillard montant des encensoirs
de bronze. Ce qu’elle voyait, c’était, agenouillée dans l’une des stalles du
chapitre, une robe de moine blanche à demi recouverte d’un scapulaire noir, c’était
un crâne en forme de dôme dont la peau olivâtre luisait dans la lumière, c’étaient
deux grandes mains sèches dissimulant un visage qu’elle redouta

Weitere Kostenlose Bücher