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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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d’apercevoir...
Son cœur se mit à battre dans sa poitrine en pulsations plus rapides qui lui
montaient à la gorge. Elle essaya de se raisonner, de se persuader qu’elle se
trompait et que ce qu’elle croyait voir était impossible... Mais, soudain, le
moine laissa retomber ses mains et tourna vers l’autel, en pleine lumière, le
grand nez, la bouche serrée et les lourdes paupières de Fray Ignacio Ortega...
    Une
vague nausée souleva l’estomac de la jeune femme dont les yeux se voilèrent un
instant mais, au prix d’un violent effort, elle réussit à surmonter son
malaise. Si elle en venait à défaillir, le remous qu’elle créerait attirerait
sur elle bien des attentions dont, certainement, celle de son ennemi. Elle se
contenta de tirer plus bas sur son visage le voile qui recouvrait le joli
hennin de soie blanche, cadeau d’Agnelle qu’elle étrennait ce matin.
    Naturellement,
elle n’entendit rien, ne vit rien de la grand-messe qui se déroulait sous ses
yeux. Les admirables voix des chantres ne représentaient rien d’autre pour elle
qu’une rumeur d’orage et une seule pensée occupait son esprit : que
faisait à Notre-Dame, au cœur de la France, le dominicain espagnol que le pape
Sixte IV avait naguère envoyé à Florence pour tenter de saper la puissance des
Médicis ? Aux dernières nouvelles qu’elle en avait eues, Fray Ignacio, ses
machinations déjouées, avait été reconduit jusqu’à mi-chemin de Rome par les
soldats du Magnifique, et, cependant, il était là, à quelques pas de celle qu’il
avait si cruellement persécutée. Pourquoi ? Dans quel but ? Etait-ce
sa trace à elle qu’il cherchait ?
    Fiora
secoua la tête comme pour en chasser l’obsédante pensée. Il n’y avait aucune
raison pour que le moine sût sa présence à Paris mais, s’il y était venu, on
pouvait parier que ce n’était certainement pas pour y accomplir un pèlerinage
ou n’importe quelle œuvre pie... Néanmoins, elle frémit quand les yeux de
basilic, se tournant vers les fidèles, passèrent sur l’endroit où elle se
tenait.
    Après
que l’Elévation eut courbé toutes les têtes sous le rayonnement de la blanche
ostie, Fiora toucha le coude de son amie.
    – Ne
bougez surtout pas, Agnelle, mais je vais sortir... le plus discrètement que je
pourrai... -Vous n’êtes pas bien ?
    – Pas
très. J’ai besoin d’air. Ce doit être tout cet encens...
    – Nous
allons sortir ensemble alors ?
    – Non...
je vous en prie : restez et suivez la fin de l’office. Je vais rejoindre
Florent. Je reviendrai si je me sens mieux...
    Il
fallait, en effet, échapper à tout prix au danger que pouvait lui faire courir
la Communion – à laquelle d’ailleurs elle n’était nullement préparée ne s’étant
pas confessée depuis des mois. Qu’elle s’approchât de l’autel pour recevoir le
sacrement ou qu’elle demeurât à sa place, mais alors en plein isolement, elle
risquait de se faire remarquer. Fray Ignacio avait la vue perçante et, de toute
façon, on devait lever son voile pour recevoir l’ostie. Mieux valait partir au
plus vite...
    Profitant
de ce que tout le monde était debout, elle se glissa dans la foule en appuyant
un mouchoir sur sa bouche comme quelqu’un qui se sent mal et on lui fit place.
En franchissant les portes rouges ornées de grandes volutes de fer forgé, elle
sentit son cœur se desserrer et aspira à pleins poumons l’air doux du matin.
Mais la cohorte de mendiants qui assiégeaient toujours la cathédrale aux
grandes cérémonies accourut, et elle eut toutes les peines du monde à s’en
débarrasser. Avec gentillesse d’ailleurs car elle gardait le souvenir de
Bernardino, le mendiant qui l’avait accueillie une terrible nuit dans un palais
inachevé. Elle eut le temps d’un éclair, l’envie de prononcer le mot dont il
lui avait dit qu’il était compris de tous ses semblables en pays latins :
« Mendici ! » – mais c’était là un mot de passe, une sorte d’appel
à l’aide dont elle n’avait pas le droit de jouer.
    Sa
bourse vidée, elle voulut rejoindre Florent qui devait attendre les dames assis
auprès de ses mules sur le montoir à chevaux d’un vieil hôtel. Elle l’aperçut
en effet mais, tout à coup, une grande joie l’envahit : Florent n’était
pas assis mais debout et bavardait avec Esteban.
    Elle
courut vers le Castillan comme vers un ami perdu que l’on retrouve sans se
soucier de perturber l’équilibre de sa

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