Fleurs de Paris
sur
la finale de Faust. Vaguement, elle regarda autour d’elle. Des
centaines de figures grouillèrent dans la lumière, des ombres qui
se mettaient en marche…
Et elle aussi se mit en marche…
Lorsqu’elle n’eut plus devant les yeux la
vision de Lise et de Gérard, lorsque l’ouvreuse empressée eut jeté
sur ses épaules sa sortie de théâtre et qu’elle se trouva perdue
dans le flot murmurant qui descendait le grand escalier, Adeline
sentit un peu de calme lui revenir… mais elle comprit aussi qu’elle
était à bout de forces et que plus jamais elle ne pourrait se
retrouver en présence de Gérard sans que sa haine d’amour fit
explosion. À dix pas derrière elle, descendaient lentement Gérard
et Lise.
Lise était venue à l’Opéra parce que Gérard le
lui avait demandé. Elle n’était venue y chercher ni un plaisir, ni
une distraction. Et pendant toute cette longue soirée, la pauvre
petite avait seulement songé à ce nouveau rendez-vous que lui avait
donné le baron d’Anguerrand.
– C’est demain que je dois le revoir…
Demain, j’aurai réconcilié Gérard avec son père… Car si le baron
d’Anguerrand voulait se renfermer dans une colère inexpugnable,
m’aurait-il priée de revenir ?… Ne sait-il pas que ma vie,
c’est la vie de Gérard ?… Demain… demain, tout sera fini…
À cette pensée, elle souriait, la figure
illuminée de bonheur.
Dans cette seconde, à dix pas au-dessous
d’elle, elle vit deux yeux flamboyants… Une femme la regardait
descendre, et il y avait une si mortelle expression de haine
sauvage dans ces yeux égarés, que Lise, en reconnaissant Adeline,
chancela de terreur, avec un faible cri…
Vivement, Gérard, la voyant trébucher, la
saisit dans ses bras… et il la voyait toute pâle, tremblante,
terrifiée…
– Mon Dieu, mon Dieu, qu’as-tu, mon
adorée ?…
– Là !… Oh ! regarde !…
Là !… Adeline !… ma sœur…
Adeline, parvenue au pied de l’escalier,
s’était retournée subitement, elle les vit qui descendaient parmi
des groupes plus rares, le gros de la foule s’étant écoulé par les
portes larges ouvertes…
Un frisson la secoua de la tête aux pieds.
Un instant, ses yeux flamboyants de haine
s’attachèrent sur Gérard.
Mais elle se dompta encore ; elle eut
comme un léger haussement d’épaules, un mouvement vers la porte… À
ce moment, elle vit Lise qui pâlissait… elle vit que Lise l’avait
vue !… et elle vit – oh ! cela surtout ! – elle vit
Gérard qui, d’un geste vif et tendre, tout alarmé, la prenait dans
ses bras…
Dans le même instant, la folie de haine, de
rage et de meurtre envahit le cerveau d’Adeline. Quelque chose
comme un rugissement éclata sur ses lèvres, et, tout à coup, elle
eut son revolver à la main, elle visa au moment où Gérard
l’apercevait…
Elle visa… non pas Lise, mais Gérard, et
gronda :
– Meurs donc assassiné, toi qui as
assassiné mon cœur !
Elle fit feu… La détonation retentit, aussitôt
suivie de cris d’effroi, d’exclamations parties de tous côtés.
Et elle vit que Gérard n’était pas
atteint !
Lise, à l’instant suprême, d’un bond, avait
couvert l’adoré, et c’était elle qui tombait, son corsage rose
taché à la poitrine comme d’une fleur pourpre… souriante quand
même… heureuse d’avoir sauvé le bien-aimé…
Dans les groupes qui avaient assisté à cette
scène, il y eut tout d’abord un recul de stupéfaction terrible, une
espèce de fuite, des cris de femmes dont quelques-unes
s’évanouissaient, des cris d’hommes appelant le commissaire de
service, en même temps que deux ou trois municipaux s’avançaient
sur Adeline…
Gérard, à demi agenouillé, fou de désespoir,
soutenait la jeune fille évanouie – ou morte – et comme la figure
de la meurtrière lui apparaissait audacieuse, pleine de défi, sa
douleur éclata, son poing crispé se tendit vers Adeline.
À ce moment, celle-ci vit un homme s’élancer
vers Gérard.
– Charlot ! murmurait l’homme avec
un accent de triomphe. Je m’en doutais ! j’en étais
sûr !…
– Lise !… Lise !… ma
bien-aimée ! râlait Gérard. Ce n’est rien, n’est-ce
pas ?… Parle-moi… Ouvre tes yeux…
– Votre nom ? fit tout à coup
l’homme.
– Finot ! rugit Adeline en
elle-même. L’agent Finot !… Il va l’arrêter !… Oh !
je voulais le tuer… mais cela ! oh ! non !… pas
cela !…
– Comte
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