Fleurs de Paris
étaux, il tentait le suprême
effort pour se dominer, tâcher de trouver une voie…
– Morte !… Morte !… Que faire
maintenant ?… Et moi ?… Oh ! demain, c’est
l’arrestation !… Cet homme, ce mouchard m’a reconnu !… Je
suis perdu !… Lise ! Lise ! comme je
t’aimais !… Pour moi ! morte en se jetant au-devant du
coup !… La Cour d’assises ! Je serai condamné à
perpétuité, c’est sûr !… Le bagne ! oh ! le
bagne !… Misérable !… ose donc te dire la vérité !…
Le bagne, c’est encore la vie ! c’est encore la possibilité du
salut !… C’est la guillotine ! c’est le bourreau qui
m’attend !… Oh ! ma Lise adorée ! C’est fini !
plus d’amour, plus rien, je ne te verrai plus !… Le
couperet ! le hideux couteau sur ma nuque !… Non !
non !… je veux vivre, moi !… Vivre ! vivre
encore !…
Et ce terrible effort qu’il faisait pour se
calmer, il parvint enfin à le réaliser. Cela tenait dans cette
pensée qu’il se répétait avec l’obstination de la folie :
– Je pleurerai plus tard ;
maintenant je veux sauver ma peau…
Lorsqu’il descendit devant l’hôtel, lorsqu’il
pénétra chez lui, il était livide sans doute, mais sous les fards
dont il se « camouflait », cette lividité même n’était
pas apparente. Les domestiques ne remarquèrent rien d’anormal,
sinon qu’il rentrait sans Madame.
Seul, Pierre Gildas s’aperçut que ses mains
tremblaient fébrilement.
Gérard alla d’un pas ferme jusqu’à la chambre
qu’avait occupée Lise, et où il mettait les pieds pour la première
fois. Sur la cheminée, il prit une photographie dont on avait
apporté les épreuves la veille même. Lise y était admirablement
ressemblante. Gérard plaça le carton dans sa poitrine, sans
s’arrêter à le regarder, et se rendit dans sa chambre. En quelques
minutes, il revêtit un costume de voyage. Puis il alla à une petite
armoire secrète qu’il avait fait pratiquer dans le mur. Il l’ouvrit
violemment. Il y avait là de l’or, des billets de banque, environ
trois cent mille francs. Il entassa le tout dans ses poches, poussa
un rauque soupir, jeta un regard de morne désespoir autour de lui
et se dirigea vers la porte…
À ce moment, cette porte s’ouvrit d’elle-même.
Gérard demeura sur place, hébété, foudroyé…
Adeline de Damart était devant lui !…
Adeline repoussa la porte derrière elle, et
s’y adossa. Une minute, toute une longue minute, immobiles tous
deux, ils s’étreignirent du regard. Gérard, d’un geste lent, très
précis, presque mécanique, sortit un revolver de sa poche et
l’arma.
Son bras se leva avec la même implacable
lenteur…
À ce moment, Adeline s’avança vers lui, les
lèvres entr’ouvertes par le dernier sourire de sa passion, les yeux
noyés d’amour, la gorge haletante… D’un coup sec et violent de ses
griffes, elle déchira son corsage, mit son sein à nu, et les deux
mains crispées sur l’étoffe des deux côtés de la poitrine, d’une
voix infiniment douce, elle dit :
– Tue-moi, Gérard… il me sera doux de
mourir en te disant je t’aime !…
Il la tenait sous son revolver. Elle ne
baissait pas les yeux. Elle était, à ce moment, d’une beauté
tragique, et il y avait une magnifique impudeur jusque dans son
geste de mort…
Lui, les yeux hagards, la face contractée, ne
tirait pas…
– Eh bien ?… Tue-moi !… Mais
tue-moi donc !… Je suis venue pour ça… Je veux mourir par toi…
Ce sera notre baiser, Gérard.
Il ne tirait pas. Lentement, son bras
retombait. Sur son visage convulsé, Adeline lut qu’il se livrait à
quelque terrible réflexion.
Et elle tressaillit d’un espoir insensé !
Elle palpita sous cette pensée que Gérard hésitait à la tuer… que,
peut-être, il avait pitié d’elle… que, peut-être, maintenant que
l’autre
était morte, il allait se mettre à
l’aimer !…
Simplement, Gérard songeait ceci :
– Si je fais feu, les domestiques vont
accourir. Dans une heure, dans quelques minutes peut-être, les
roussins seront ici… La tuer d’un coup de couteau ? Et si elle
lutte ? si elle crie ?… Je la tuerai, oui !… Mais
pas ici… Allons, viens !
Il crut avoir prononcé le dernier mot en
lui-même, comme le reste.
En réalité, il le dit tout haut.
Adeline bondit.
– Je suis sauvée ! rugit-elle au
fond d’elle-même.
« Gérard ! Gérard ! mon
Gérard !… tu me
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