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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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chambre.
    Quelques heures passèrent, lentes et
sinistres… Enfin, tout bruit s’éteignit dans l’hôtel. Adeline
poussa un long soupir, passa dans sa chambre à coucher, dérangea un
tableau placé à la tête du lit et, derrière ce tableau, ouvrit avec
une clef qu’elle portait sur elle une sorte de minuscule
armoire.
    Là, sur une tablette, étaient rangés une
douzaine de flacons.
    Adeline, lentement, avec précaution, déboucha
l’un d’eux et versa quelques gouttes de son contenu dans un autre
flacon plus petit, un mignon flacon à sels, en cristal de roche,
avec armature d’or.
    Lorsqu’elle eut terminé cette opération, elle
remit le grand flacon à sa place, soigneusement, et s’apprêta à
refermer l’armoire.
    À ce moment, elle entendit derrière elle un
craquement de parquet. Un violent tressaut l’agita, et elle demeura
immobile, la gorge soulevée par les rapides battements du cœur,
sans oser tourner la tête.
    À ce moment, une main se posa sur son bras et,
une voix très calme prononça :
    – Un instant, madame, permettez-moi de
jeter un coup d’œil là dedans !…
    Il épelait lentement :
    – Arsenic… teinture de belladone…
bien ! parfait !… extrait d’opium, antimoine, cyanure de
potassium… mes compliments, madame ! Vous avez là un
assortiment que vous eût envié la Brinvilliers… Qu’avez-vous
choisi ? Le cyanure ? C’est foudroyant. Quelques gouttes
sur les lèvres, et la mort est instantanée… Qui allez-vous
assassiner, madame ?…
    – Hubert d’Anguerrand ! bégaya
Sapho, ivre d’horreur et claquant des dents.
    – Je vous ai demandé, madame, qui vous
alliez assassiner… Vous me répondrez. Si vous ne me répondez pas,
je vous jure que je vous place de force le goulot de ce flacon dans
la bouche, et que j’en vide le contenu dans votre gorge…
    – Grâce ! eut-elle la force
d’implorer. Ne me tuez pas ! Souvenez-vous que je vous ai
aimé, Hubert !…
    Ces paroles furent l’étincelle qui mit le feu
à la mine. Le baron d’Anguerrand frissonna. Une colère, faite de
mépris et de haine et peut-être de jalousie se déchaîna en lui. Il
leva le poing…
    – Je ne sais pourquoi je ne vous écrase
pas tout de suite ! prononça-t-il d’une voix rauque et
saccadée. Vous osez vous couvrir de votre infamie comme d’un voile
tutélaire, vous qui êtes passée du lit du père au lit du fils, vous
qui, avant d’être l’épouse de Gérard, avez été la maîtresse
d’Hubert ! Je devrais lever le pied sur cette tête et
l’écraser comme on écrase un aspic, une bête venimeuse… mais je
veux savoir ! Par le Dieu vivant, madame, vous parlerez !
Ou, avant de vous tuer, je vous torture, foi de chrétien et parole
de gentilhomme ! Je vous attache, je vous lie, je fais
chauffer un fer et je vous brûle les chairs jusqu’à ce que vous
ayez parlé !…
    – Que voulez-vous savoir ? dit Sapho
d’une voix morne, en s’abandonnant à la destinée.
    – Pour qui était le poison ?…
    – Pour elle ! râla Sapho dans un
souffle d’agonie.
    – Elle ! hurla le baron. Qui
elle ?…
    – Votre fille !
    Les deux poings du baron s’abattirent sur les
épaules de Sapho. Il se pencha, s’agenouilla près d’elle, se
cramponna à elle, la saisit à la gorge. Les cheveux dénoués, la
batiste de son peignoir déchirée, les lèvres blanches, le regard
atone, Sapho se sentit vaciller sous le souffle de l’épouvante
finale.
    – Parle ! fit le baron d’une voix si
basse qu’à peine il s’entendait lui-même. Où est-elle ?
    – Ici !…
    – Dans l’hôtel ?…
    – Au premier… au bout du corridor… la
porte verrouillée… derrière une tenture…
    – Oh ! gronda furieusement le baron,
meurs donc, puisque j’ai maintenant ton secret ! Meurs et sois
damnée !…
    – Assassin ! haleta Sapho délirante.
Assassin de mon père ! Tu assassines Adeline de Damart comme
tu as assassiné Louis de Damart !…
    La foudre tombée dans cette chambre où se
déroulait ce drame n’eût pas ébranlé les nerfs de cet homme d’une
secousse plus violente. D’un bond il fut debout et recula de trois
pas. Il était livide. Il tremblait…
    – Qu’ai-je entendu ? râla-t-il. Tu
mens !… Tu t’appelles Adeline de Kernoven… tu es née en
Bretagne… cent fois tu me l’as dit…
    – Je vous ai donné ce nom, parce que mon
nom était trop connu à Paris… Alors, monsieur le baron, vous vous
êtes figuré que

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