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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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morne
indifférence, l’avidité avec laquelle elle vida coup sur coup les
verres de Pontaives et de Ségalens formaient un étrange contraste
avec la joliesse de cette figure délicate.
    – Pourtant, fit Pontaives d’une voix où
Ségalens surprit une sorte de tremblement imperceptible, pourtant,
jolie comme vous l’êtes…
    – Jolie ? interrompit la jeune
femme. Pas de boniment, mon cher monsieur, ou je m’en vais… Je vous
dit que les hommes me dégoûtent ce soir…
    Et elle commença à fourrager dans le buisson
d’écrevisses qu’on venait de déposer sur la table.
    – Madame ne croit pas à l’amour, dit
Ségalens. Elle a bien raison. Je connais une pauvre fille, belle,
sage, qui sans doute eût été heureuse si elle n’avait eu la
mauvaise chance de rencontrer un homme qui…
    – Qui l’a plaquée après lui avoir juré
toute sorte d’amour, dit Magali. On connaît ça. C’est notre
histoire à toutes. Ma foi, non, je ne crois pas à l’amour. Et puis,
quand j’y croirais…
    Nous devons dire que si Ségalens connaissait
Magali, tout au moins de vue et pour avoir entendu raconter son
aventure, Magali ne le connaissait nullement.
    – Alors, vous, reprit-elle en fixant
Pontaives, vous y croyez à l’amour ?
    – Quelquefois… ce soir, par exemple.
    Et vous ? ajouta-t-elle, en se tournant
vers Ségalens.
    – Toujours.
    – Toujours ! murmura-t-elle.
Toujours… jamais ! Pile ou face ! Il y en a à qui ça
réussit. Il y en a qui y trouvent la mort. Chacun son lot. Moi, je
n’ai pas gagné à la grande loterie !
    Elle buvait coup sur coup, et ses yeux
commençaient à devenir hagards.
    – Et encore, ajouta-t-elle, je n’ai pas à
me plaindre. J’ai eu de la chance. Je suis tombée tout de suite sur
un type qui me fait cinquante louis par mois… et qui n’est pas
gênant.
    Pontaives sentit son cœur se serrer.
    Magali se mit à rire du rire épais de
l’ivresse et pourtant elle demeurait jolie à ravir, d’une
instinctive élégance. Ségalens la considérait avec une indicible
tristesse.
    – Ah ! mais dites donc, s’écria
Magali, vous n’êtes pas d’une gaieté folle, tous deux !
    – Et vous ! dit Ségalens, osez donc
dire que vous êtes gaie ! Voulez-vous que je vous dise ?
vous n’êtes pas taillée pour ce que vous faites. Vous regretterez
le temps où vous ourliez à la machine des douzaines et des
douzaines de mouchoirs pour un patron qui vous payait mal. Car,
alors, vous aviez encore des illusions. Et ce sont ces illusions
perdues qui mettent une aube de rêve dans vos jolis yeux. Pauvre
petite, vous voudriez aimer encore…
    Magali avait un instant baissé la tête. Son
sein s’était oppressé. Mais tout à coup un éclair jaillit de ses
yeux, et, d’une voix presque rude :
    – Vous vous trompez, dit-elle. J’aime la
richesse, j’aime le luxe, voilà tout. J’adorerais avoir des bijoux.
Je voudrais mon petit hôtel et ce qui s’ensuit. Voilà mon
ambition.
    Tout bas, elle ajouta :
    – Malheur au premier millionnaire qui me
tombera sous la main !
    – Voulez-vous me permettre de venir vous
voir ? demanda brusquement Pontaives.
    – Tant que vous voudrez, fit-elle
tranquillement. Rue du Helder, 139. Excepté les lundis et
vendredis. Bonsoir, monsieur, je vais me coucher… toute
seule ! ajouta-t-elle avec un sourire à l’adresse de
Pontaives.
    Elle se leva en reculant sa chaise.
    À ce moment, un homme qui venait d’entrer
passait lentement prés d’elle, un homme aux cheveux noirs luisants,
à la cravate éclatante, aux doigts ornés de bagues.
    La chaise le heurta.
    – Tu ne peux donc pas faire
attention ! gronda l’homme.
    – Insolent ! fit Ségalens debout au
même instant.
    – Qu’est-ce qui vous prend, vous ?
fit le rasta.
    – Vous tutoyez une femme qui est avec
nous, et je dis que vous êtes un grossier personnage, dit
Ségalens.
    Pontaives, agité de sentiments confus, pâle et
nerveux sans savoir pourquoi, demeurait à sa place, étourdi, non
pas de l’incident banal, mais de ce qu’il éprouvait.
    – Fichez-moi donc la paix, refit le
rasta. Je tutoie Magali parce que j’ai couché avec elle… Et puis,
si ça ne vous plaît pas, mon petit monsieur…
    L’homme leva la main en ricanant.
    Mais il n’eut pas le temps d’achever le geste.
D’un mouvement rapide, Ségalens se porta en avant et, d’une main,
saisit l’homme à la gorge, tandis que, de l’autre, il l’empoignait
en pleine

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