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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sur lui disaient sa reconnaissance pour
l’approbation qu’il avait reçue. Il est heureux, pensa Siorac avec émotion, que
la nature ait fait d’eux le père et le fils, puisqu’ils ne pourraient être plus
proches par le cœur, ni leurs volontés plus évidemment perdues l’une dans l’autre.
    — Ah,
mon père ! reprit Étienne, les larmes jaillissant de ses yeux. Pourquoi
les peuples acceptent-ils si facilement la tyrannie ? J’y pense tous les
jours que Dieu fait. Je ne parviens pas à oublier cette expédition infernale en
avril dernier contre les pauvres Vaudois du Luberon : le massacre de huit
cents laboureurs, les villages brûlés, les femmes et les filles forcées dans
l’église de Mérindol et rejetées ensuite dans le brasier, les vieilles, à qui,
faute de les vouloir forcer, on introduisit de la poudre dans les parties
intimes pour les faire éclater, les prisonniers qu’on éventrait tout vifs pour
enrouler leurs tripes sur un bâton ! Et le légat du Pape, présent à ces
horreurs à Cabrière, et les applaudissant ! Et tout cela pourquoi ?
Parce que ces pauvres gens, pacifiques et laborieux, ne voulaient, pas plus que
les réformés dont ils sont si proches, ouïr la messe, honorer les saints,
accepter la confession... Vous me savez, mon père, aussi bon catholique qu’on
peut l’être, sans pour autant approuver les corruptions de l’Église romaine,
mais je rougis de honte que l’Église de saint Pierre ait pu pousser le Roi de
France à de pareilles abominations...
    — Mon
fils, dit Anthoine de La Boétie d’un air assez embarrassé en jetant un coup
d’œil à ses visiteurs, vous savez que notre roi François I er est un homme d’une grande bonté. Il a signé sans les lire les lettres donnant
mission au Baron d’Oppède d’exécuter l’arrêt du Parlement d’Aix contre les
Vaudois. Il en a conçu ensuite de grands remords et il vient d’ordonner une
enquête contre les responsables de ces massacres.
    — Hélas,
il est trop tard ! dit Étienne. Mais sentant la gêne de son père, il
poussa un soupir, baissa les yeux et se tut.
    Il
y eut un silence et Sauveterre reprit :
    — Pour
en revenir à Fontenac, la parole de ce coquin contre nous a-t-elle du poids à
l’Évêché ?
    — Je
ne sais, dit La Boétie, qui avait l’air de le savoir fort bien. Ce scélérat se
prétend bon catholique, bien qu’il soit exécrable chrétien. Il paye des messes,
il fait des dons...
    — Et
qui sont acceptés par l’Évêque ?
    — Mais
c’est que nous n’avons pas d’Évêque, dit La Boétie avec un sourire en se
lissant du dos de la main sa barbe en pointe. Notre Évêque, Nicolas de Gadis,
que Madame la Dauphine [6] a fait nommer, est florentin comme elle, et vit à Rome où il attend son chapeau
de cardinal.
    — À
Rome ! dit Siorac. Les dîmes suées par les laboureurs du Sarladais doivent
faire un long chemin pour parvenir jusqu’à lui !
    À
cette saillie, Étienne rit aux éclats, et cette gaieté soudaine rajeunit son
visage mélancolique.
    — Nous
avons cependant un coadjuteur, dit La Boétie, moitié sérieux, moitié lui aussi
se gaussant, un nommé Jean Fabri.
    — Mais
il loge à Belvès, dit Étienne, le climat de Sarlat lui donnant des
étouffements, surtout en été...
    — De
Sarlat à Belvès, dit Siorac en entrant dans le ton d’Étienne, le chemin est
moins long pour les dîmes...
    — Mais
il faut bien qu’il reste un peu desdites dîmes à Sarlat, dit Étienne, car nous
avons ici un tertium quid, le Vicaire général, Noailles, qui gouverne à
sa guise.
    Cet
échange avait tissé entre les quatre hommes une complicité chaleureuse, voilée
à demi par la légèreté apparente du propos. La Boétie se leva, et Étienne se
levant aussi, son père lui passa le bras par-dessus l’épaule et, toujours
souriant, regarda ses visiteurs, debout eux aussi — Sauveterre avec
un temps de retard en raison de sa boiterie.
    — Messieurs,
si vous voulez Mespech, poursuivit-il sur le ton de la plaisanterie périgordine
où perce presque toujours une intention satirique ou sérieuse, il faudra faire
quelques concessions. Ce serait peut-être trop vous demander de remettre entre
les mains d’Anthoine de Noailles un don en l’honneur de la Sainte Vierge, pour
qui vous nourrissez depuis longtemps une particulière dévotion...
    Siorac
sourit sans répondre et Sauveterre resta impassible.
    — Mais
peut-être pourriez-vous vous contenter

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