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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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librairie, le traité d’Ambroise Paré sur la Méthode de
traiter les plaies faites par les arquebuses et autres bâtons à feu, acheté,
je le lis dans une note manuscrite de la main de mon père sur la page de garde,
chez un bouquinier de Sarlat le 13 juillet 1545, l’année même de ce grand
remuement autour de Mespech.
    M.
de La Boétie était fort richement vêtu d’un pourpoint de soie et portait
moustache et barbe en pointe bien taillées et peignées. À côté de lui était
assis sur une petite chaise basse un jeune homme assez laid d’une quinzaine
d’années. Mais c’était là une laideur superficielle, rachetée par des yeux
ardents et brillants.
    — Mon
fils Étienne, dit M. de La Boétie, non sans fierté. Messieurs, poursuivit-il,
je n’ignore rien des complots de Fontenac. Il veut Mespech, et par tous les
moyens, fussent-ils vils et bourbeux. Je sais, sans pouvoir, hélas, le prouver,
qu’il a, le mois dernier, dépêché des gens pour escalader la nuit les murs du
château et déplacer les lauzes du toit, créant ainsi des gouttières qui
gâtent les planchers et déprécient la bâtisse. Car Fontenac ne dispose pas de
plus de quinze mille livres tournois, personne ici ne lui prêtera un sol, et il
sait que s’il n’est pas le seul acheteur à se présenter à la criée, il n’aura
pas Mespech à si bas prix. Pour éviter qu’il continue les déprédations, les
héritiers ont commis le Maligou à la garde du château, mais Fontenac, apprenant
vos visées...
    — Il
les connaît donc ! dit Siorac.
    — Mais
comme tout le Sarladais, dit La Boétie avec un sourire, en se lissant la pointe
de la barbe. Dans les châteaux comme dans les masures, on ne parle que de vous.
Et nul n’ignore, par exemple, que Fontenac a menacé le pauvre Maligou de le
rôtir tout vif dans sa maison avec sa femme et ses enfants s’il vous ouvrait
Mespech.
    — Et
Fontenac ferait une chose pareille ? dit Sauveterre.
    — Il
a fait bien pis, dit La Boétie avec un geste de la main. Mais il est plus rusé
que mille serpents et il n’a jamais laissé derrière lui assez de preuves pour
qu’on lui fasse un procès.
    — Nous
avons quelque habitude de la guerre, et nous disposons de trois bons soldats,
dit Sauveterre. Monsieur le lieutenant, que peut faire contre nous ce Baron-brigand ?
    — Poster
ses gens masqués en embuscade sur votre chemin dans quelque bois du Périgord et
mettre votre meurtre sur le compte de ces bandes qui nous infestent.
    — Et
de combien d’hommes dispose ce Fontenac ?
    — Une
dizaine d’hommes de sac et de corde qu’il appelle ses soldats.
    — Dix ?
dit Siorac d’un air fier. C’est bien peu.
    Il
y eut un silence et Anthoine de La Boétie reprit :
    — Mais
Fontenac a déjà entrepris de vous nuire par des moyens plus insinuants. Car le
monstre dispose aussi d’une certaine venimeuse douceur pour sucrer ses
complots. Il a averti l’Évêché de Sarlat que vous étiez prétendument, l’un et
l’autre, de la religion réformée.
    — Nous
ne professons pas la religion réformée, dit Siorac après un moment de silence,
et nous allons à messe comme tout un chacun.
    Sauveterre
n’opina ni ne nia. Il se tut. Cette différence n’échappa pas à Anthoine de La
Boétie. Quant à son fils Étienne, il se leva, marcha d’un pas vif vers la
fenêtre, et se retournant, il dit avec beaucoup d’indignation et
d’éloquence :
    — N’est-ce
pas une honte de se demander si ces gentilshommes que voici vont ou ne vont pas
à messe, alors qu’ils ont versé leur sang pendant dix ans au service du
royaume ? Et qui pose cette question ? Ce boutefeu, ce bourreau,
cette bête sauvage, cette sale peste du monde qui veut se mettre la religion
devant soi comme garde du corps pour commettre ses vilenies ! Dieu nous
garde de la tyrannie et de la pire de toutes : celle qui ne respecte pas
les consciences...
    — Mon
fils, dit Anthoine avec un mélange d’affection et d’admiration, je n’ignore pas
les sentiments qui animent votre généreux cœur contre la servitude.
    — En
outre, vous exprimez admirablement vos raisons, monsieur, dit Siorac à Étienne.
    Il
avait remarqué qu’Étienne avait dit « au service du royaume », et non
« au service du Roi ».
    Étienne
vint se rasseoir sur le tabouret à côté du fauteuil de M. de La Boétie, et lui
prenant la main, il la serra en rougissant, avec un amour des plus touchants,
tandis que ses yeux ardents fixés

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