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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gravité.
    — Peut-être,
mais point si vite. J’ai vu en mes campagnes des milliers de blessés très
affaiblis par le sang répandu, même quand la plaie restait saine. Et, celle-ci
guérie et fermée, les blessés demeuraient faibles encore des semaines durant.
    Lascaux
leva une main magistrale.
    — En
raison, justement, de la partie pourrie de leur sang. On eût beaucoup hâté leur
guérison en la leur tirant du corps.
    À
cela mon père réfléchit encore un moment et reprit :
    — Si
vous parlez de la partie pourrie du sang, c’est donc qu’il y a une partie
saine. Et comment sait-on, quand on saigne, que c’est la partie pourrie que
l’on tire, et non la saine ?
    Ceci
parut embarrasser Lascaux. Mais comme il était assez fin malgré son enflure, il
prit le parti de tourner l’affaire en gausserie.
    — Ah !
Monsieur le Baron, l’autorité des plus grands médecins du royaume n’est donc
rien à vos yeux ! Vous êtes un grand sceptique ! Vous ne croyez pas
plus à la saignée qu’à la Vierge Marie, et vous êtes hérétique en médecine
comme en religion...
    Mon
père voulut bien rire de cette saillie, invita Lascaux à déjeuner et le traita
bien. Et Lascaux, de retour à Sarlat, écrivit à Fontenac que le Baron de
Mespech était assez bon homme, encore que fort bizarre en ses conceptions, mais
que néanmoins la malade, telle qu’il avait pu l’observer à loisir, présentait
toutes les apparences d’une proche guérison. Je retrouvai cette lettre de
Lascaux bien des années plus tard, dans les archives du château de Fontenac, et
mention, au revers, de la main du Baron, qu’il avait baillé cinquante écus à ce
grand médecin de Sarlat, pour le prix de sa consultation.
    De
« consultation », il n’y en eut pas d’autre, car Jean de Siorac
envoya un billet ferme et courtois à Fontenac pour lui rappeler leurs
conventions. Livrée, ainsi, aux seuls soins de mon père, Diane poursuivit à
Mespech sa longue convalescence, apparaissant parfois aux croisées du châtelet
d’entrée, tandis que nous achevions de mettre la dernière main au mur
d’enceinte.
    Ce
septembre était ensoleillé et doux, et parfois, enveloppée d’une fourrure
blanche, Diane ouvrait la fenêtre et, accotée à son rebord de pierre, restait
un assez long moment à nous regarder de ses grands yeux verts, avec l’ombre
d’un sourire sur ses lèvres encore pâles. Je notai que ces apparitions
faisaient beaucoup d’effet sur mon aîné, au point de le clouer sur place, l’œil
fixe et les mains vides, et sans branler d’un pouce pendant une grande minute.
Qui eût pensé que ce grand niquedouille eût tant de sang dans les veines,
l’imagination si vive, et le cœur si atendrézi ? Diane nous regardait tous
sans regarder personne, mais du coin de son œil vert, elle n’avait pas laissé
de voir le trouble de François. Et dès qu’il baissait les yeux, en reprenant sa
tâche, elle lui glissait, dans un battement de cils, un regard, un seul, et si
prompt, et si vite retiré, que c’était à peine si le pauvre François pouvait y
lire un encouragement. Ainsi font les filles, dit-on, quand on les a bien
élevées.
    Mais
avec la petite Hélix, en mes nuits, c’était un style plus rustique.
    — Méchant
Pierre ! me dit-elle, dès que, le calel soufflé, Barberine se fut
elle-même soufflée dans un profond sommeil. Tu regardes beaucoup trop cette
patôta de château. Ton aîné est déjà bien pris et bien englué, le pauvre !
Et toi te plaît aussi cette grande perche ?
    — Elle
a le visage fort beau, dis-je pour la picanier.
    — Assa !
dit-elle avec véhémence. Elle est blanche comme navet, et du téton comme sur ma
main.
    Et
ce disant, elle sauta sur moi et, se penchant, me colla les seins sur les yeux,
« pour me les boucher », dit-elle.
    Des
clabaudages parmi nos gens, il y en eut, et par-dessus tout, de la cuisine à la
souillarde, où les langues vibrèrent fort entre la Maligou et Barberine. Mais
en la librairie, de frère à frère, pas un mot, nulle trace sur le Livre de
raison, et pas la moindre allusion non plus à François qui, sentant bien
dans ce silence ce qu’il voulait dire, osait montrer parfois un visage désolé.
     
     
    Le
1 er octobre, la frérèche reçut un émissaire dépêché par M. de Duras,
qui rassemblait à Gourdon les troupes huguenotes du Midi pour les mener à
Orléans grossir l’armée du prince de Condé.
    L’entrevue
eut lieu en la librairie de

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