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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de Burie, qui est au château des Milandes, et M. de Montluc, qui est
dans l’Agenais, ne vous tombaient sur le dos pour vous prendre à revers.
Monsieur Verbelay, répétez, je vous prie, exactement mon propos à M. de Duras.
Il aurait eu Sarlat en vingt-quatre heures par surprise. Mais on a trop parlé
chez vous. Sarlat vous attend, Burie et Montluc sont prévenus et se préparent à
vous tailler des croupières. Croyez-moi, le plus droit chemin, le plus sûr et
le plus prompt, pour rejoindre le prince de Condé à Orléans, ne passe pas par
Sarlat.
    — Je
répéterai fidèlement vos dires, monsieur le Baron, et les vôtres aussi,
monsieur l’Écuyer, dit Verbelay en se levant et en prenant congé avec toute la
brièveté que lui permettaient les limites de la politesse. Mais ses yeux
ardents étincelaient et on voyait qu’il était fort mécontent de l’avis qu’il
avait à transmettre.
    De
la fenêtre de la tour, Siorac et Sauveterre le regardèrent monter à cheval et
piquer des deux avec sa petite escorte. Sauveterre hocha la tête :
    — Voilà
un excellent conseil, et qui sera perdu.
    — Je
le crains, dit mon père, les poings aux hanches et la tête redressée. Ah !
Si le prince de Condé m’avait offert le commandement de l’armée de Gourdon...
    — Mais
il n’a tenu qu’à vous...
    — Que
non ! Que non ! dit Siorac en marchant avec impatience dans la pièce.
On m’offrait quoi ? D’être le lieutenant de Duras ! Mais Duras est un
bon colonel d’infanterie, routinier et borné. Il veut donner à son armée un
premier succès facile en se faisant la main sur Sarlat. Mais il n’a pas d’abord
su feindre de ne pas l’attaquer, comme Guise a fait si bien pour Calais. Il a
perdu l’effet de surprise. Il n’emportera donc pas Sarlat dans le pas de son
cheval. Il perdra, en revanche, assez de temps sous ses murs pour être rejoint
et taillé en pièces par Montluc et ses terribles fantassins espagnols.
Non ! dit mon père avec feu en tapant à plusieurs reprises du poing droit
dans sa main gauche, le premier devoir de Duras était de sortir son armée à
brides avalées de ce guêpier merdeux du Périgord, d’échapper, par la rapidité
des mouvements, aux griffes de Montluc, et d’amener ses douze mille hommes
intacts à Condé.
    Assis,
les mains à plat sur mes genoux et, comme mes deux frères, muet, j’écoutai ces
propos avec admiration et aussi avec quelque surprise, car j’apprenais par eux
que mon père, huguenot loyaliste, se serait « peut-être » rebellé
contre son Roi, si on lui avait offert de commander en chef à Gourdon. Jean de
Siorac avait donc bien raison de dire que le devoir, en ces temps troublés,
était « par essence confus »... Illisible, en outre, il l’était, et
le devint de plus en plus, quand on sut à Mespech que le 3 octobre au soir, l’armée
de Duras, ayant fait ses approches, investissait les murs de Sarlat. Il
apparut, dans les conversations de la frérèche, que la prise par les nôtres
d’une ville à laquelle les attachaient déjà tant de liens amicaux les plongeait
dans des sentiments fort mêlés.
    — Duras
ne prendra pas Sarlat, dit mon père avec un haut-le-corps dès qu’il sut la
nouvelle.
    — Mais
Jean, dit Sauveterre, vous parlez comme si vous ne désiriez pas qu’il la prît.
    — Mais
vous-même, le désirez-vous ?
    — Je
le désire, dit Sauveterre sans le moindre enthousiasme, comme un premier succès
de nos armes dans une guerre injuste qu’on nous a imposée.
    — Mais
est-ce vraiment un succès ? dit mon père en marchant avec impatience de
long en large. Duras prend la ville. Eh bien, que se passe-t-il ? Nos
soldats, qui sont, hélas, des soldats comme les autres, courent à leurs
exploits habituels : le sac, le meurtre, le forcement des filles. On tue
quelques prêtres, on rançonne les plus riches. On pille et dénude les églises.
On lève des tailles sur les marchands. Et après deux jours de ces désordres, on
quitte les Sarladais aussi catholiques qu’ils l’étaient avant, et avec des
raisons nouvelles de se revancher sur les nôtres. Non, non, la prise de Sarlat
ne résout rien. C’est dans le nord du royaume, entre Condé et Guise, que se
fera la décision.
    — D’un
autre côté, dit Sauveterre, si Duras échoue devant Sarlat, cet échec abaissera
le courage des nôtres et laissera bien mal augurer de la suite.
    — Certes !
Certes ! dit mon père en baissant la tête. C’est

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