Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
de la correspondance
échangée entre mon père et lui à cette occasion fût faite par huissier et
confiée au lieutenant-criminel de Sarlat pour être gardée dans ses archives.
    Personne,
à Mespech, pas même Escorgol, qui logeait au premier étage du châtelet dont
elle habitait le second, ne fut admis à voir Diane, dont mon père nous dit
seulement qu’elle avait quatorze ans et qu’elle était fort belle, avec de longs
cheveux noirs et de grands yeux verts, et, au surplus, douce et bonne,
ressemblant en tout à sa mère et non au tigre qu’elle avait pour père :
description qui enflamma fort l’imagination des trois droles de Mespech.
    Ce
que Jean de Siorac se garda de dire, en revanche, c’est qu’il avait reconnu sur
Diane les marques de la peste.
    Bien
que ce mois de septembre fût très doux, il ordonna de brûler un grand feu, nuit
et jour, dans la chambre de la malade : il pensait que la contagion de la
peste se propageant par l’air, celui-ci serait purifié par le feu. Pour la même
raison, il portait un masque devant la bouche et le nez quand il approchait
Diane et, avant de partir, il le jetait dans les flammes du foyer. Gagnant
alors sa librairie, en écartant tous et toutes sur son chemin, il s’y faisait
apporter deux cuves pleines d’eau très chaude. Dans l’une, il jetait ses
vêtements, et dans l’autre, il se plongeait lui-même tout entier, tant il
croyait à la vertu de la chaleur contre la contagion. Il prescrivit les mêmes
précautions à Toinette, la chambrière de Diane, et même à Escorgol, pour ce
qu’il approchait Toinette en lui portant le bois de chauffage et les viandes.
    Jamais
le pauvre Escorgol ne s’était tant baigné de sa vie, et il s’en plaignait
amèrement, ayant crainte que sa peau ne s’usât ou ne se ramollît au contact de
l’eau.
    Mes
grands professeurs de médecine, en Montpellier, quand plus tard je leur contai
ceci, se gaussèrent beaucoup, arguant que l’eau, même chaude, ne peut rien
contre la contagion de l’air, puisque l’eau et l’air sont, par essence, éléments
incompatibles. C’était bien raisonné, sans doute. Néanmoins, personne à Mespech
n’attrapa la peste, ni Toinette, ni Escorgol, ni mon père. Il y avait donc
peut-être du bon dans ces bizarreries.
    Diane
souffrait d’une fièvre ardente et continue et elle était, en outre, fort maigre
et fort faible, la nourrice qui la soignait à Fontenac ayant cru bon de la
mettre à la diète. Mon père, remarquant que ses urines étaient rares, ordonna
qu’on lui donnât du lait à volonté, et elle en but jusqu’à deux litres par
jour, étant tout le jour frissonnante et dévorée d’une soif prodigieuse.
    Le
sixième jour, mon père nota qu’un gros apostume qu’elle avait à l’aine se
mettait à suppurer. Il écrivit à Fontenac que sa fille allait mieux, puisque le
mal commençait à lui sortir du corps, et que si la suppuration continuait, on
pouvait espérer sa guérison.
    Deux
jours après cette lettre, Mespech reçut la visite d’un grand médecin de Sarlat,
Anthoine de Lascaux qui, se disant mandaté par le Baron de Fontenac, demanda à
voir la malade. Et, très réellement, il la « vit », et pas davantage,
car il ne s’avança pas plus avant que le seuil de la pièce. Là-dessus, il dit
qu’il lui trouvait assez bonne mine, mais que pour hâter sa guérison, il faudrait
lui tirer du corps deux pintes de sang par jour.
    — La
saigner ! dit mon père. Mais pourquoi donc ?
    Anthoine
de Lascaux, qui était un bel homme bien gras et sûr de lui, sourit de
l’ignorance de ce licencié, et voulut bien l’éclairer des lumières les plus
récentes de la science.
    — Je
vois que la saignée fréquente, en tant que remède, n’est pas encore
parvenue jusqu’à vous, monsieur le Baron. Elle est pourtant souveraine dans
tous les maux, et fort en honneur depuis que Leonardo Botalli, l’illustre
médecin italien de Charles IX, l’a introduite à la Cour de France.
    — Et
que fait cette saignée ?
    — Elle
tire le sang pourri du corps du malade. Vous n’êtes pas sans savoir que plus
l’on tire de l’eau croupie d’un puits, plus il en revient de bonne. Le
semblable en est du sang et de la saignée.
    — Comparaison
n’est pas raison, dit mon père après un moment de réflexion. L’eau du puits se
renouvelle par la source qui l’alimente. Mais on ne sait comment se refait le
sang.
    — Le
sang engendre le sang, dit Lascaux avec

Weitere Kostenlose Bücher