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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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frérèche ne voulut pas, comme
pour le carrier, recruter à Sarlat par voie de tambour et de trompe, ne se
fiant qu’à des hommes dont elle connaissait déjà la trempe.
    Le
logis du moulin réparé, la frérèche convoqua Faujanet, pendant la veillée en la
librairie de mon père, et lui proposa de s’aller demeurer à Gorenne, sans pour
autant abandonner son métier de tonnelier, lequel il exercerait aussi bien dans
les Beunes, puisque la meunerie était saisonnière et par à-coups.
    — À
travail double, poursuivit mon père avec un bon sourire, salaire doublé. En
outre, la farine gratis pour ton pain. Et enfin, on te trouvera bien dans le
plat pays quelque belle et forte garce de la Religion pour te marier, te
seconder et te donner des droles qui, plus tard, te feront vivre. Car ce n’est pas
tout de manger ce jour d’hui ; pain de vieillesse se pétrit en jeunesse.
    Le
petit noiraud, que mon père avait songé à faire asseoir en raison de sa
boiterie (qui ne l’empêchait en rien de faucher), écouta sans s’ébahir ces
propos alléchants. Mon père parlant, et Sauveterre opinant, les petits yeux
noirs de Faujanet allaient de l’un à l’autre, et à chaque nouvel avantage qu’on
lui faisait, paraissaient s’attrister.
    Quand
mon père eut fini, il remercia avec dignité.
    — Pour
le métier de meunier, je crois, ajouta-t-il, que je pourrais le faire, n’étant
pas sot de mes doigts, ni trop gourd non plus de la cervelle. Pour le travail
en plus, bien que je boite (ici il regarda Sauveterre), il ne me fait pas peur,
comme les messieurs le savent. Et les messieurs sont bien bons de me vouloir
doubler le salaire, mais ici à Mespech, ayant le feu, le pot et le logis, avec
ce que les messieurs me donnent en plus, je me trouve de gagner assez.
    Il
s’arrêta, et poursuivit avec quelque vergogne et en baissant les yeux :
    — Pour
la garce, je remercie bien aussi les messieurs. Mais au mariage, moi qui pense
beaucoup avec ma tête, je n’ai pas grande fiance, s’il faut le dire. Telle qui
est douce comme miel le jour des noces a langue de vipère huit jours après. La
femme, c’est le contraire de la châtaigne : tout le doux est dessus et les
piquants dessous. Je ne m’y fierai pas davantage qu’à un tonneau sans ses
cercles.
    — Mais,
il y a la commodité, dit mon père.
    — Justement,
dit Faujanet en hochant la tête, la commodité est bien courte et le souci bien
long. J’aimerais mieux être à demi pendu que mal marié.
    — Il
y a de bons mariages, hasarda mon père.
    — Je
n’en ai jamais vu, dit Faujanet avec simplicité.
    Là-dessus,
Sauveterre eut un demi-sourire, mon père se tut, et Faujanet se taisant aussi,
le silence se prolongea.
    — Si
j’entends bien, mon pauvre Faujanet, reprit enfin mon père, notre projet ne te
sourit guère.
    — Cela
me fait honte, après ces propositions si honnêtes, de refuser tout à plat aux
messieurs, dit Faujanet avec un soupir, mais m’aller vivre à Gorenne, même avec
les avantages que vous me dites, me ferait même effet que de camper aux portes
de la mort. À Mespech, chaque soir que Dieu fait, je m’endors tranquille dans
une île défendue par de fortes murailles, nombre de bons compagnons bien armés,
et des Capitaines plus vaillants qu’aucun fils de bonne mère en France. Mais à
Gorenne, la première bande qui passe sur la route des Ayzies à Pelvézie se
prend l’idée, à voir ce beau moulin par clair de lune, de vous voler grains ou
farines. Et les voilà, à vingt ou à trente, enfonçant ma porte, forçant ma
femme, et faisant de la dentelle avec mes tripes. À moins que, mettant la
religion devant eux pour couvrir leur vilenie, ils ne me rôtissent comme
hérétique avec mon propre bois de chauffage.
    — Tu
es un ancien de la légion de Guyenne, dit Sauveterre, tu sauras te défendre, et
nous te prêterons des arquebuses.
    — M’en
donneriez-vous dix, dit Faujanet, cela ne serait pas assez si ces méchants sont
trente.
    Siorac
et Sauveterre se regardèrent, frappés de ces raisons, et prévoyant qu’ils les
rencontreraient chez plus d’un. Le beau moulin des Beunes allait-il rester vide
faute de meunier ?
    Le
lendemain soir, ils convoquèrent Marsal le Bigle, mais celui-ci, louchant et
bégayant plus qu’à l’accoutumée, montra la même insupportable répugnance à
quitter les solides murs de Mespech pour aller demeurer à Gorenne, où il se
sentirait, dit-il, « aussi nu qu’une tortue sans

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