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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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écoutée.
    — Sarrazine,
laide ! dit mon père en riant. Ma pauvre Barberine, tu es bien mauvais
juge de l’attrait d’une femme ! Tu sauras que pour être belle, une femme
doit avoir trois parties correspondant à celles du cheval, à savoir la
poitrine, le fessier et les crins ; que Sarrazine a ces trois parties en
abondance, les deux premières bien rehaussées encore par la minceur de la
taille ; et quant à ses crins, en longueur, en épaisseur et en force, ils
valent ceux de la jument noire que le Fontenac m’a baillée, laquelle a si belle
crinière quand le vent du galop la rebrousse.
    — Avec
tout mon respect, Moussu lou Baron, il y a cependant le teint, dit la Maligou.
    Mon
père fit un grand geste de sa dextre.
    — Le
teint n’y fait rien, ma pauvre ! Ta Gavachette est presque aussi noire de
peau que Sarrazine, et c’est pourtant un beau brin de garce, et qui fera rêver
plus d’un.
    Ici
la Gavachette baissa les yeux, et la petite Hélix rougit de dépit, tout en
gonflant la poitrine pour attirer le regard de mon père.
    — Mais
c’est qu’elle est roume ! dit la Maligou en regardant la Gavachette non
sans fierté.
    — Elle
n’est pas plus roume que toi ! dit mon père en riant à gueule bec. Mais
là-dessus, ajouta-t-il d’un air entendu, nous n’en dirons pas davantage.
    Il
y eut un silence, et la Maligou dit d’un ton âpre, comme pour se revancher sur
Sarrazine de l’affront qu’elle venait de subir :
    — Ce
n’est pas tant que Sarrazine est laide, Moussu lou Baron, c’est qu’elle est
fille de diable et succube.
    — Et
d’où tiens-tu cela, Maligou ? dit mon père en sourcillant. Le Seigneur te
l’a-t-il soufflé à l’oreille ?
    — Non,
mais il y a des preuves, Moussu lou Baron ! D’abord, Sarrazine apparaît de
nulle part il y a quatre ans. On la place à la Volperie, et au bout de trois
ans, la voilà qui se change en louve blessée et se fait recueillir par Jonas en
sa grotte.
    — Mais
sans pour autant cesser de travailler comme servante à la Volperie, dit mon
père en riant. Coulondre Bras-de-fer l’y a vue toutes les semaines quand il
faisait son charroi.
    — Elle
se sera dédoublée.
    — Tiens
donc ! Comme c’est facile ! Et quelle patte la louve s’était-elle
cassée, Pierre, toi qui l’as vue ?
    — La
dextre de derrière, dis-je, heureux de jouer un rôle dans ce procès.
    — Et
Sarrazine, à la Volperie, avait donc la jambe droite cassée ?
    — Non
point, Moussu lou Baron, dit Coulondre Bras-de-fer. Elle marchait comme vous et
moi.
    — Le
diable peut tout, dit la Maligou.
    — À
ce compte, il serait aussi puissant que Dieu, dit mon père en changeant de ton
et en fronçant derechef le sourcil.
    — Que
non pas ! Que non pas ! dit la Maligou en se signant, aussi pâle et
effrayée que si le bûcher s’entassait déjà autour d’elle. Plaise à vous de vous
rappeler, Moussu lou Baron, que je ne suis qu’une pauvre ignorante femelle, et
ne sachant ni le comment ni le pourquoi des choses, je peux donc me taire, si
vous cuidez que j’en dis trop.
    — Tu
n’en as pas dit assez, Maligou, dit mon père, le front sévère. Je veux la suite
de tes preuves.
    — Eh,
c’est qu’elles ne manquent pas, Moussu lou Baron ! dit la Maligou en
reprenant quelques couleurs. D’abord, la louve ensorcelle le pauvre Jonas en sa
grotte, au point qu’il en tombe amoureux et fait le souhait qu’elle se change
en femme.
    — C’était
gausserie, dit mon père.
    Que
ce fût gausserie, moi qui avais entendu Jonas, je n’en étais pas si sûr, mais
je me tus, ne voulant point charger le carrier.
    — Et
ce fut fait ! dit la Maligou, triomphalement. La louve se changea en
Sarrazine, et elle épousa Jonas.
    — Si
j’entends bien ce tissu d’incroyables sottises, dit mon père, la louve, s’étant
changée en Sarrazine, n’en continua pas moins à être louve, puisque femme et
louve cohabitèrent deux bons mois dans la grotte de Jonas en assez mauvaise
amitié.
    — Oui,
mais la louve, un jour, disparut.
    — Oui-da !
Elle disparut, ayant à la fin croqué un des chevreaux, et craignant la colère
de son maître. Et c’est ce que tu devrais bien faire aussi, Maligou, reprit mon
père d’une voix forte en la foudroyant du regard. Je te le dis pour la dernière
fois, car si, pour ton malheur, tu poursuis dans nos villages ces stupides
clabauderies, je te renverrai sur l’heure de Mespech et de ma vie ne te
reverrai. En

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