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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa carapace ».
    Il
fallut se rendre à l’évidence : nos soldats étaient braves, mais point
jusqu’à envisager un combat solitaire dans les Beunes contre les fortes bandes
qui infestaient la province.
    La
frérèche commençait à désespérer quand, quarante-huit heures plus tard,
Coulondre Bras-de-fer demanda un entretien aux messieurs. Que Coulondre ouvrît
la bouche, c’était déjà inhabituel, mais qu’il demandât à parler étonna
prodigieusement la frérèche. Elle le reçut le soir, et comme Coulondre
commençait par un silence qui menaçait de durer, mon père lui désigna un
escabeau devant le feu.
    Jamais
le visage long comme carême de Coulondre n’avait paru plus triste. Les yeux, le
nez, la bouche, tous les traits tombaient vers le bas, mais cependant, son
petit œil brun, sous les lourdes paupières, restait vigilant.
    — Moussu
lou Baron, dit-il enfin, avec la voix rauque des gens qui parlent peu, et vous,
Moussu l’Écuyer, vous ne m’avez point demandé, à moi, d’être votre meunier dans
les Beunes ?
    — Sans
te vouloir blesser, Coulondre, dit Sauveterre, t’en crois-tu capable, avec ton
bras de fer ?
    — Oui.
    — Et
veux-tu l’être ?
    — Oui.
    Il
ajouta :
    — Il
y faudrait des conditions.
    Mon
père le regarda, et Sauveterre dit d’une voix sèche :
    — Lesquelles ?
    — Avec
la picorée que j’ai rapportée de Calais, j’ai de quoi acheter deux truies. Il
faudrait que Gorenne me donne le son pour les nourrir ainsi que les pourceaux.
    — À
combien de têtes comptes-tu limiter ton élevage ? dit mon père.
    — Une
trentaine.
    Les
deux frères échangèrent des regards.
    — C’est
à voir, dit Sauveterre. Est-ce tout ?
    — Non,
dit Coulondre, je voudrais les terres des Beunes à compte et demi.
    — Nos
terres des Beunes à compte et demi ! s’écria Sauveterre.
    À
cette exclamation, Coulondre ne répondit pas. Le visage triste et immobile, il
regardait le feu.
    — C’est
à voir, dit mon père.
    Puis
il reprit avec circonspection :
    — Mais
si tu prenais nos terres à compte et demi, et encore une partie de notre son
pour tes porcs, tu ne voudrais point de salaire ?
    — Si,
dit Coulondre, l’air toujours aussi morne, mais l’œil vif dans la fente des
paupières. Au moins jusqu’à la première vente de mes porcs.
    — Est-ce
tout ? dit Sauveterre d’un air rogue.
    Il
y eut un silence. Coulondre regardait le feu avec l’air lugubre d’un homme qui
n’attend rien du monde.
    — Il
faudra encore pourvoir à ma défense, reprit-il, et m’aider à construire, de la
graineterie du moulin au premier fourré sur la route qui mène à Mespech, un
souterrain qui me permette de vous alerter en cas d’attaque.
    — Une
cloche suffirait, dit Sauveterre.
    — Non
point, Moussu l’Écuyer, dit Coulondre en soulevant son bras de fer de sa main
valide comme pour soulager l’épaule de son poids. Une cloche avertirait aussi
l’assaillant. Il saurait alors que je vous appelle à l’aide, et il pourrait
vous tendre une embuscade sur la route du moulin. Par le souterrain, je pourrais
vous dépêcher ma femme.
    — Ta
femme ? dit mon père en se redressant sur son fauteuil. As-tu déjà fait
choix d’une garce ?
    — Oui-da,
dit Coulondre. C’est Jacotte, de la Volperie. Comme vous savez, elle est de la
Religion.
    — Mais
elle a quinze ans ! dit mon père en levant les sourcils.
    — Tout
grison que je sois, elle s’est promise pourtant, dit Coulondre sans bouger un
cil.
    — La
Maligou parlerait ici de magie, dit mon père avec un sourire.
    — Il
n’y en a point, dit Coulondre avec gravité. Ce printemps dernier, en faisant
mon charroi de la Volperie à Mespech, j’ai retiré Jacotte des mains de quatre
caïmans qui étaient pour la forcer sur le revers d’un talus. Jacotte a tué le
premier de son petit couteau. De mes pistolets j’en ai occis deux autres. Le
quatrième s’est jeté sur moi, mais j’ai abattu mon bras de fer sur sa nuque, et
lui ai tranché la gorge ensuite de son propre coutelas.
    — Et
tu n’as rien dit de cet exploit ? dit mon père, stupéfait.
    — Jacotte
m’avait demandé de rester coi. Vous savez ce qu’il en est des clabauderies de
village. On a vite fait de dire plus qu’il n’y en a eu.
    — Coulondre,
dit mon père, tu as fait un bon choix. Je connais Jacotte pour une forte et
vaillante garce, et qui te fera bon usage.
    Il
y eut un silence. Sauveterre, ses yeux noirs

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