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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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raison de se donner peine à instruire son
fils. Nous avons grand besoin d’hommes doctes pour nous sortir de notre
barbarie.
    — Hélas,
science et conscience ne sont pas toujours sœurs, dit La Boétie. Fontenac est
lui-même fort instruit.
    — Et
le scélérat s’en tire à bon compte ! s’écria Sauveterre. Vingt ans de
bannissement pour tant d’assassinats ! Le sang me bout à pareille
iniquité !
    — Et
encore, ce Fontenac n’a-t-il occis qu’une dizaine de personnes, dit La Boétie.
Mais que penser du Baron d’Oppède qui a massacré par centaines les paysans
vaudois du Luberon, confisqué au nom du Roi leurs terres, et les a rachetées
ensuite en sous-main ? Celui-là a fait l’objet d’un procès, mais vous
pouvez être assuré qu’il en sortira blanc comme neige !
    — Ainsi
va notre triste monde, dit Sauveterre, roulant sans cesse dans le sang et la
boue, et les superstitions mensongères qui ont corrompu la pure parole de Dieu.
    Il
y eut ici un silence. Personne, pas même Siorac, ne se souciant de courir le
lièvre que Sauveterre avait levé. Et M. de La Boétie moins qu’un autre.
    — Et
à qui va, pendant ces vingt ans qui viennent, la Baronnie de Fontenac ?
dit Siorac.
    — Au
fils unique du Baron, Bertrand de Fontenac, qui est maintenant majeur, puisqu’il
vient d’avoir quinze ans.
    La
Boétie ajouta au bout d’un moment :
    — Vous
voilà désormais débarrassés du vieux loup, messieurs, mais il reste un
louveteau. Je n’en entends guère dire du bien, et malgré qu’il soit jeune
encore, les crocs pourront lui pousser.

CHAPITRE II
     
     
    Je
suis né le 28 mars 1551, soit six ans après l’acquisition de Mespech par la
frérèche, à une époque où son apparence avait déjà changé. À vrai dire, les
Capitaines touchèrent peu à la bâtisse, grande maison rectangulaire haute de
deux étages autour d’une cour intérieure et flanquée aux angles de tours à
mâchicoulis, celles-ci étant reliées par un chemin de ronde crénelé.
    Mais
cette bâtisse n’était, au moment de l’achat, entourée que d’un embryon de
douve, large d’une toise à peine et si peu profonde qu’un homme petit, si on
l’y avait jeté, aurait partout repris pied. C’était là, à vue de nez, une
défense dérisoire. Elle rendait presque inutile le pont-levis qui donnait accès
à la maison sous un châtelet d’entrée, face au sud. N’importe qui eût pu, en
effet, entrer dans l’eau sans aucun risque de se noyer et appliquer une échelle
contre l’un des remparts en lui donnant dans la vase un pied suffisant.
    La
science et l’invention que les Capitaines mirent à modifier ces douves
n’auraient pu s’employer sans une circonstance heureuse : le puits
construit dans un coin de la cour intérieure de Mespech était inépuisable. La
frérèche s’en aperçut quand, peu après l’acquisition, elle voulut le vider pour
le curer. En plein août, par grande sécheresse, on dut travailler d’abord à
deux avec des seaux, mais le niveau ne baissant point, et la circonférence du
puits étant assez vaste pour le permettre, on s’y mit à trois, puis à quatre,
puis à cinq... À huit hommes, enfin, le niveau céda quelque peu et on
poursuivit avec acharnement et l’eau recula encore, mais ce fut pour laisser
voir une faille dans la terre d’où un jet, qui avait la grosseur d’un poignet
d’homme, jaillissait avec force. Les Capitaines ordonnèrent alors de cesser le
travail, et l’eau, en peu de temps, revint à son niveau habituel jusqu’au
conduit qui déversait le trop-plein dans les douves.
    Il
fallut détourner ce trop-plein avant de se mettre au travail dans les fossés,
ce qui ne put se faire qu’après la vendange, étant donné le grand nombre
d’hommes qu’on dut employer pour effectuer les creusements selon les plans des
Capitaines. En plus des soldats, des domestiques et des voisins, on loua des hommes
à la journée et on les nourrit, la frérèche n’épargnant pas la dépense pour la
réalisation de son grand projet. Car il ne s’agissait pas moins que de creuser
un véritable étang d’une bonne toise de profondeur et de sept toises de largeur
autour de Mespech.
    C’est
ainsi que Mespech devint une île, et une île reliée au continent par une
combinaison si ingénieuse, si défensive et si belle que je n’ai jamais vu de
visiteur qui n’en fût, au premier abord, frappé d’admiration.
    En
effet, le pont-levis du châtelet d’entrée

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