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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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chrétiennes sous
les plus abominables traitements, Fontenac, comme pour leur donner une leçon de
cruauté, lui plongea sa dague dans la poitrine et faisant aller la lame dans sa
blessure, il lui demanda avec d’affreux blasphèmes s’il la faisait jouir. Les
deux corps furent ensuite brûlés dans les fossés du château afin qu’aucune
trace ne subsistât de cet horrible forfait. Et Fontenac, regardant du haut des
remparts monter vers lui l’âcre fumée, dit en se gaussant que Lagarrigue et sa
femme devaient se sentir contents, puisqu’ils étaient enfin réunis.
    Fontenac
eut vent de ce témoignage et ne parut pas à Sarlat le lundi à midi. Mespech fut
vendu à chandelle éteinte 25 000 livres tournois au Chevalier Jean de
Siorac et à Jean de Sauveterre, Écuyer, prix modeste pour ce riche et grand
domaine, mais non point aussi bas qu’il l’eût été si Fontenac avait réussi à
faire seul les enchères.
    On
aurait pu croire que la loi allait enfin s’abattre sur Fontenac et demander sa
vie. Mais le prisonnier qui l’avait accusé mourut empoisonné deux jours plus
tard dans sa geôle et sa mort rendait plus fragile encore l’unique témoignage
recueilli contre le Baron-brigand. Le Parlement de Bordeaux cita néanmoins
Fontenac à sa barre, mais celui-ci se garda de quitter son repaire crénelé. Il
écrivit au Président du Parlement une lettre des plus courtoises et des mieux
composées où les citations latines ne manquaient pas.
    Il
s’excusait avec beaucoup de compliments de ne pouvoir obtempérer au
commandement, étant malade, à toute extrémité, priant pour son salut et presque
porté en la terre. D’ailleurs, il était, en toute cette affaire, victime d’un
horrible complot, où il voyait d’un bout à l’autre la main des hérétiques. Il
était bien vrai que les six hommes pendus à Sarlat avaient été à son service,
mais ces vilains, alléchés par de honteuses promesses, l’avaient quitté la
veille, lui volant arquebuses et chevaux, pour se mettre au service des
religionnaires qui, tout en cachant leurs véritables croyances, voulaient
s’installer en la province pour la contaminer. Or, à peine ces serviteurs infidèles
étaient-ils arrivés au rendez-vous fixé par les secrets et sanguinaires
huguenots, que ceux-ci les avaient traîtreusement assassinés, tant pour faire
croire à une attaque de Fontenac contre leur personne que pour s’emparer des
armes et des montures lui appartenant. Quant au prisonnier, si tant est qu’on
pouvait recevoir son témoignage, puisqu’il était unique (testis unus, testis
nullus [7] ), sa langue avait été achetée de toute évidence par les huguenots pour salir
l’honneur centenaire des Fontenac. Si Fontenac avait pu être affronté à ce
misérable, celui-ci aurait à coup sûr dédit les menteries qu’il avait dites.
Mais une mort bien suspecte (fecit qui prodest [8] ) était venue à point le réduire au silence pour le plus grand bénéfice des
accusateurs.
    Pour
finir, Fontenac demandait au président du Parlement de Bordeaux de faire
injonction aux Sieurs de Siorac et de Sauveterre d’avoir à lui rendre sans
délai ses armes et ses chevaux.
    Telle
était la force de l’esprit de parti dans les dernières années du règne de
François I er , et si grande, dans les Parlements, la suspicion
où étaient tenus ceux qui, sans se déclarer ouvertement, paraissaient pencher
pour l’hérésie, que cette lettre de Fontenac, si évidemment effrontée et
captieuse, ébranla pourtant le président et ses Conseillers, alors même que
l’exécrable réputation de Fontenac leur était connue, comme de toute la
Guyenne. Il fallut que vinssent tout exprès à Bordeaux les deux Capitaines, La
Boétie, les deux Consuls de Sarlat, et François de Caumont en tant que délégué
de la noblesse, pour rétablir les faits dans leur vérité. Et encore le
Parlement n’eut de cesse que les Capitaines, reçus partout avec honneur,
n’acceptassent de répondre sur leurs opinions. À quoi ils consentirent, à
condition que ce ne fût pas en public, mais tête à tête avec le Conseiller
commis à cet interrogatoire.
    Ce
Conseiller était un homme grisonnant, réfléchi, extrêmement poli, qui fit de
grandes excuses aux deux frères avant de les sonder.
    — Monsieur
le Conseiller, dit Siorac, comment prendre au sérieux une accusation émanée
d’un si grand scélérat ?
    — Mais
c’est qu’il est bon catholique, si grand pécheur qu’il

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