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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vît mes larmes.
    Dans
le couloir qui menait à la salle d’escrime, je rencontrai François, qui s’en
revenait de son assaut, et qui, au moment où il me croisa, leva le front avec
hauteur, et sans me regarder ni s’adresser à moi, dit à mi-voix entre ses
dents :
    — Que
de remuements pour cette petite souillon !
    Il
m’avait déjà dépassé, je courus après lui et, le saisissant avec force par le
bras, je le forçai à se retourner, et les yeux encore tout remplis de larmes,
mais cependant furieux, je lui jetai au visage :
    — Que
dis-tu, méchant ?
    — Mais
rien, dit-il en pâlissant et jetant autour de lui des regards inquiets, car
nous étions seuls et tout à fait hors d’ouïe dans un long passage voûté, fort
humide et assez obscur, n’étant éclairé que par les fenestrous aspés de fer
donnant sur l’étang.
    Je
répétai ma question, le secouant des deux mains, grinçant des dents, et saisi
d’une excessive envie de le frapper comme fer sur l’enclume.
    — Je
me parlais à moi-même, dit-il, fort décomposé, s’étant sans doute avisé que, là
où nous nous trouvions, il ne pouvait attendre aucun secours.
    À
ce moment, je fus très étonné qu’ayant même taille que moi, et n’étant point
faible de corps, montant fort bien à cheval et jouant habilement de l’épée, il
n’avait pourtant jamais pu surmonter cette grande peur qu’il avait de moi
depuis que je l’avais battu en mes six ans : peur et haine en même temps,
l’une produisant l’autre, et toutes deux bien recuites en un long ressentiment.
Ah, certes, je n’aurais pas souvent à montrer le nez à Mespech, quand il en
serait le Baron !
    — Monsieur
mon frère, dis-je avec une politesse des plus menaçantes, vous n’avez donc pas
prononcé le mot « souillon » ?
    — Non
point, dit-il, la lèvre tremblante.
    — Eh
bien, gardez-vous de le prononcer, vous me fâcheriez. Et attendant, allez votre
chemin, monsieur.
    Et
comme, sans demander son reste, il s’en allait, faisant quelques pas en silence
derrière lui, je lui donnai tout soudain du pied de par le cul. Il se retourna.
    — Mais
vous m’avez frappé ! dit-il avec indignation.
    — Nenni,
dis-je. Vous n’avez pas prononcé le mot « souillon », et je ne vous
ai pas frappé. Nous en resterons là de cette double erreur.
    Campé
devant lui, le menton haut et les poings sur les hanches, je le considérais.
    Il
me lança un assez mauvais regard, et je crus un moment qu’il allait monter à
l’assaut, mais son excessive prudence (vertu qu’il ne tenait ni de mon père ni
d’Isabelle) là aussi le brida. Il préféra thésauriser son grief et le serrer
méticuleusement dans sa longue rancune plutôt que de s’en purger, comme j’avais
fait, dans une explosion de rage. Sans un mot, blanc de fureur rentrée, il
tourna les talons, me laissant dans les mains les lambeaux de son honneur.
    Je
m’avisai alors que fort sage était mon père, qui défendait que nous portions
dague et épée dans nos murs, car la vile attaque de François m’avait jeté si
fort hors de mes gonds qu’à coup sûr, si j’avais eu une arme, je l’aurais
dégainée. François parti, je ne laissais pas d’y penser. Resté maître du
terrain, l’ayant battu et humilié, j’étais encore comme emporté par ma propre
fureur, et ne rêvais que sang et navrement pour nettoyer l’injure dont il avait
sali ma pauvre Hélix.
    Je
m’accotai contre le mur voûté du passage, et quand ma folle ire enfin me
quitta, je me sentis faible et désolé, le nœud de la gorge me poignant, et avec
une telle difficulté d’haleine que le souffle me manquait. Cependant, je ne
pleurais pas, je regardais ma propre solitude s’étendre devant moi, tant longue
et triste que ce passage voûté et ces murs suintants. Car j’en étais maintenant
tout à fait assuré : la petite Hélix se mourait à mes côtés par petits
morceaux dans une lenteur de temps infinie.
    Comme
pour me démentir en cette affreuse désolation, et comme pour donner tort à mon
père de sa diagnostique sans espoir, le lendemain du jour où Lascaux nous
visita, la petite Hélix reprit tout soudain force et gaieté, sans toutefois
retrouver ses couleurs, restant blanchâtre et malsaine de teint. Cependant, son
extrême douleur de tête se trouva apaisée, ainsi que les tournoiements, les
vertiges et les troubles des yeux. Barberine, fort joyeuse de ce mieux, publia
à tous les échos de Mespech quel grand

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