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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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source de cette maladie est
dans la masse du sang corrompue qui n’a jamais été purifiée chez cette pauvre
garce par petite vérole, rougeole, oreillons et autres exutoires que la Nature
a destinés à cette fin. Or, cette grande masse de sang, se corrompant davantage
avec les ans pour n’avoir point été purgée, s’introduisit à la longue dans les
entrailles, le foie, la rate, les viscères et toutes les parties du corps
circonvoisines. Par quoi, tout étant perverti, le cerveau lui aussi se
débilita, et vint à se remplir de fumées, vapeurs et exhalaisons de grande
acrimonie et acidité venimeuse. Il en résulte ces extrêmes douleurs de tête et
tournoiements que vous avez observés, car les fumées malignes dont j’ai parlé
obscurcissent, étreignent et oppriment les plus sensibles nerfs et méninges, au
point que, l’esprit animal n’y pouvant plus circuler, la vue et la parole défaillent.
En bref, il s’agit d’une épilepsie sympathique et non point idiopathique, à
raison qu’elle ne procède point du cerveau même, qui de soi n’a aucune
corruption...
    — C’est
pourtant là où siège la douleur, dit mon père.
    — La
douleur, dit M. de Lascaux montrant de l’humeur d’être interrompu, vient des
vapeurs et exhalaisons vitriolées qui montent au cerveau de toutes les parties
du corps.
    Il
y eut un silence et mon père dit :
    — Vous
opinez donc, monsieur de Lascaux, qu’il s’agit d’une épilepsie. Cependant, la
malade ne tombe point.
    — Elle
tombera, dit M. de Lascaux.
    — Elle
n’a point de raidissement, de convulsions, ni de difficulté d’haleine.
    — Elle
en aura, dit M. de Lascaux.
    Il
y eut là-dessus un long silence.
    — Et
quelle curation recommandez-vous ? dit Jean de Siorac.
    — La
saignée fréquente, dit M. de Lascaux en se levant et en faisant un profond
salut à mon père, car bien savait-il combien mon père était hostile à ce
souverain remède.
    Mais
à cela mon père ne répondit pas un mot, et se levant à son tour, il raccompagna
courtoisement M. de Lascaux jusqu’à son carrosse, les deux aides nous suivant à
bonne distance, les bras ballants et la tête vide, aussi muets que des
peintures.
    — Eh
bien, dit Sauveterre, claudiquant dans la cour à la rencontre de mon père et
parlant à voix basse pour non pas être entendu du domestique, qu’est-il sorti
de cette consultation ?
    — Beaucoup
de paille et peu de grain. Un beau discours. Une diagnostique erronée. Et une
curation imbécile.
    — De
bons écus jetés à l’eau...
    — Eh
oui ! Mais il le fallait ! dit mon père avec irritation, et quittant
Sauveterre avec brusquerie, il gagna la librairie, où sur ses talons je le
suivis.
    — Monsieur
mon père, dis-je, la gorge serrée, que pensez-vous vous-même de cette
maladie ?
    Mon
père me regarda, assez étonné de me voir tant ému, mais sans faire là-dessus la
moindre remarque  – quoi qu’il en pensât.
    — Mon
Pierre, dit-il, le seul remède à l’ignorance, c’est le savoir  – non le
discours. Il n’y a si petit pédant qui, comme le corbeau sur notre tour, n’aime
croasser de ce qu’il ignore. Mais que nous chaut ce vain croassement ?
C’est de vérité que nous avons appétit. Si je pouvais, sans que la pauvrette en
meure, scier son crâne et inspecter son intérieur, je saurais ce qu’il en est
de ses souffrances. Ce que je sais, c’est que le mal est dans sa tête, et dans
sa tête seule, car le reste du corps est sain et les fonctions vitales
préservées.
    — Monsieur
mon père, serait-il possible que ce soit le nerf seul qui se dérange ?
    Je
posai la question d’une voix si étranglée que mon père me regarda, puis après
un moment passé à me considérer, il dit enfin, non sans répugnance :
    — À
la vérité, je crains quelque grand navrement des méninges. Peut-être un
apostume.
    — Un
apostume ! dis-je. Mais par où le pus pourrait-il s’écouler, le crâne le
recouvrant ?
    — C’est
là le point, dit mon père. Vous l’avez touché du doigt.
    — Il
n’y a donc pas de curation ? dis-je, la voix tremblante.
    Mon
père secoua la tête.
    — Si
ce que je crois est vrai, il n’y en a point. Tout ce que je pourrai faire,
quand les souffrances de la pauvrette deviendront indicibles, c’est de lui
bailler un peu d’opium.
    Je
prétextai alors que Cabusse m’attendait dans la salle d’escrime, et avec un
bref salut, le quittai brusquement, de peur qu’il ne

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