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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vos
amis pour les qualités qui durent et non celles qui brillent, et choisissez-les
de préférence parmi les nôtres, qui sont légion, Dieu merci, en cette ville.
Avec les étrangers, soyez avares de paroles, mais non d’observation. En
compagnie douteuse, ne brandissez pas votre drapeau de réformé, mais ne le
cachez pas non plus, si faire se peut sans péril. Enfin, en Montpellier,
étudiez fort diligemment sous vos maîtres, puisque c’est là le but de ce voyage
si onéreux pour la Baronnie de Mespech. Et tenez-vous bien en mémoire, ce
faisant, que le labeur que vous ferez en vos jeunes ans sera comme un principal
dont vous tirerez toute votre vie intérêts.
    Mon
père fit une pause.
    — Samson
aura le ménage de la bourse, et Pierre le gouvernement de la petite troupe.
Miroul sera votre sujet. Qu’il sache bien qui de vous ou de lui est le maître.
Mais traitez-le selon ses mérites, qui ne sont pas petits, et oyez ses
conseils. Par la misère qui fut son lot en son enfance, il connaît le monde
mieux que vous.
    Je
crus que mon père avait fini ou qu’il était embarrassé de conclure. Il l’était
bien, mais non de conclure, ayant encore à dire des choses dont il trouvait la
matière délicate, ayant Sauveterre à ses côtés, et sa propre vie dressée devant
lui. Il s’y décida enfin, l’innocent Samson ouvrant de grands yeux et
Sauveterre sourcillant et grommelant, bien que mon père s’exprimât, au début
surtout, sur le mode d’une demi-contrition.
    — Le
conseil qui suit, mon Pierre, sera pour vous en particulier, mais je le dis
aussi devant Samson, afin que plus tard, peut-être, il en puisse faire aussi
son profit.
    Il
fit une pause encore et poursuivit d’un ton qui n’était pas tout à fait aussi
humble qu’il aurait pu l’être :
    — Pierre,
vous avez, hélas, hérité de moi un goût extrême pour ce gentil sexe qui n’est
pas le nôtre. Il est donc à craindre que vous ne soyez, votre vie durant,
« une fournaise ardente qui sans cesse jette flammes et étincelles ».
Cette phrase est de Calvin. Méditez-la. Elle peint au vif l’infirmité de notre
nature. Et, certes, ne pas pécher vaut mieux que pécher, mais si, poussés par
l’ardeur du sang, nous succombons (ici Sauveterre sourcilla davantage), du
moins faut-il, en ces sortes de choses, se montrer fort prudent, de peur d’y
perdre beaucoup. Je vous en prie, mon Pierre, ne vous jetez point en aveugle
dans les filets qui, dans une grande et belle ville comme Montpellier, vous
seront tendus de partout. N’allez pas vous fourrer non plus au débotté dans les
jambes de la première venue, pour ce qu’elle aura ployé le col de votre côté en
battant du cil. Gardez-vous aussi des corrompues de corps, des méchantes, des
rusées, des avaricieuses. En fait, poursuivit-il avec un sourire, gardez-vous
de toutes. Mais si, par chance, vous tombez sur une bonne garce, soyez bon avec
elle, comme d’ailleurs vous y êtes enclin par nature, car le cœur ne vous
fault, ni la générosité.
    Ce
discours étonna Samson et ne plut guère à Sauveterre, mais je ne fus pas long à
comprendre, le jour même, pourquoi mon père, qui ne pensait qu’à me guérir
l’âme, le prononça.
    L’oncle
Sauveterre fut le premier à nous étreindre, puis mon père, si chaudement et si
fort qu’il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que le sacrifice, en
nous envoyant à Montpellier, n’était pas que d’argent. Entra enfin François
qui, son long visage bien en ordre, nous embrassa l’un après l’autre fort
correctement.
    Mon
père, ne voulant point traîner les choses au point de s’atendrézir davantage,
pressa les adieux dans la cour où tout notre domestique était rassemblé, y
compris ceux du Breuil, de la carrière et du moulin des Beunes, les femmes en
pleurs, la Maligou dans ses simagrées et ses clabauderies, Barberine disant
avec des sanglots qu’elle perdait tout puisqu’elle perdait « ses deux
soleils », les hommes silencieux et la face fort triste. J’essuyai la
dernière larme sur la joue ronde de Catherine, souris à la Gavachette et,
Samson et Miroul déjà en selle, y sautai à mon tour. Les quatre chevaux
passèrent au pas les trois ponts-levis, suivis de tous courant à leurs côtés et
derrière.
    J’agitai
la dernière main, aperçus, en me retournant encore, le visage fort pâle de mon
père, et mis au trot, laissant mes enfances derrière moi.
     
     
    Malgré
les sentiers, il nous

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