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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la belle terre de Dieu, c’est par la
picorée que tu le gagnes. Ou le commerce. Mais le commerce, compagnon (un coup
de marteau), ou le prêt de grains avec gros intérêt, comme le pratiquent les
messieurs à Mespech (un second coup de marteau), c’est aussi un genre de
picorée, un peu plus en douceur que l’autre. Et maintenant, Cabusse, grâce à ce
que tu as ramassé en pillant les bateaux des Anglais, et bien que ce soit péché
de piller, te voilà presque un petit gentilhomme, avec le bonheur d’avoir une
femme, une maison, des prés, des bois, et ta fierté d’homme d’avoir tout cela.
Cabusse, est-ce que je te parais valoir moins que toi ?
    À
cette question carrée, Cabusse répondit en arrondissant les angles, avec sa
finesse et sa gentillesse gasconnes (celles-là mêmes qui avaient si bien
apprivoisé Cathau).
    — Tu
vaux davantage, carrier, dit-il l’air grave et la voix profonde. Car tu as un
beau métier et tu le fais en y mettant le cœur. Et moi, à part le berger en mes
jeunes années, je ne sais rien faire que tuer des gens, et aussi un peu la
cuisine, et débourrer un cheval, et labourer, et maints petits tours de main de
ce genre, appris de bric et de broc, mais qui, mis bout à bout, ne font quand
même pas un métier.
    — Et
une belle cuisse cela me fait de savoir un métier, dit Jonas en haussant ses
puissantes épaules. Toujours seul. Comme un loup qui a perdu sa meute. Il y a des
jours, reprit-il, où je suis prêt à prier le Seigneur Dieu de faire un miracle
et de muer ma chèvre en femme ou, ce qui serait peut-être plus facile, de me
faire bouc moi-même.
    — Tu
fais bien de me le dire, dit Cabusse en riant. Quand je serai installé ici, si
je rencontre un gros bouc poilu errant sur mes terres, je lui ôterai poliment
mon bonnet.
    Jonas
rit aussi, mais d’un rire qui avait peine à passer le nœud de sa gorge. Il
venait de penser que lorsqu’il serait, cet hiver, couché sur sa paillasse de feuilles
de châtaignier et qu’il écouterait, enveloppé dans sa peau de mouton, le vent
souffler dans sa grotte les nuits d’orage, Cabusse et sa femme, à un jet de
pierre de lui, seraient bien au chaud dans un vrai lit, en un logis bien clos,
et Cabusse, les bras autour de sa Cathau, douce et tiède dans ses longs
cheveux.
     
     
    Le
départ de Cabusse fit qu’on garda la Maligou comme cuisinière à Mespech et
aussi que la frérèche proposa aux frères Siorac de rester. (En réalité, il ne
nous fallait qu’un homme, mais comment séparer les jumeaux ?) Ils
acceptèrent avec joie, préférant la sécurité du château à leur petite maison,
et toujours poursuivis par le souvenir de la peste de Taniès qui avait emporté
leur père. Les deux Jean, toujours aussi férus de droit, voulurent passer un
acte devant M. Ricou pour enregistrer leur arrangement avec les cousins. Il est
dit dans ce document que les cousins Siorac de Taniès devraient recevoir, pour
prix de leur travail à Mespech, le pot, le feu et le logis, mais non point de
salaire. Que, en revanche, ils percevraient soixante-quinze pour cent du revenu
de leur terre de Taniès, dont les labours, foins, moissons et autres façons
incomberaient à Mespech. Et que si aucun des deux ne se mariait, leur
propriété, à leur mort, devrait revenir à la frérèche, ou à ses descendants.
    Je
ne sais si c’est Sauveterre ou Siorac qui arrêta ces termes, mais ils me
paraissent être surtout à l’avantage de la frérèche et faire payer assez cher
aux cousins leur désir de se sentir en sûreté dans nos murs.
    Cathau
se préparait à franchir le seuil de Mespech pour aller s’unir à Cabusse en
l’église de Marcuays, quand la Maligou accourut, l’air pénétré, et tendit le
manche d’un balai au travers de la porte.
    — Ah !
C’est vrai ! dit Cathau, rouge de confusion. J’allais oublier ! Tu as
raison, Maligou, merci à toi !
    Et
relevant son cotillon aussi haut qu’il fallut, elle enjamba le balai. Certes,
elle montrait ainsi ce qu’elle eût dû cacher, mais au prix de ce petit accroc à
la décence, elle s’assurait, dans le mariage, vingt ans de félicité. Ceci
valait bien cela, même Cabusse le comprit, et tous et toutes applaudirent, sauf
Sauveterre qui fronça le sourcil devant tant de superstition et Jean de Siorac
qui, à la vue des jambes de Cathau, se mit à rêver au droit seigneurial dont
l’usage s’était peu à peu perdu en Périgord.
    À
l’église, le curé de Marcuays, que le

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