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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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logis, dit-il.
    — Il
n’est pas vilain, dit Jonas. Mais il manque une bergerie.
    — Je
la ferai construire.
    — Les
Capitaines te feront payer les pierres.
    — Je
paierai, dit Cabusse. Je n’ai pas épuisé mon avoir.
    — Il
n’y a que deux pièces en bas, dit Jonas. Pour une famille, c’est petit.
    — J’y
ai pensé, dit Cabusse en tirant sa main droite de derrière son dos et en se
lissant la moustache. Quand Cathau me donnera des enfants, je ferai des
chambres au grenier, et pour y accéder, je ferai construire une petite tour
pour y loger un escalier.
    — Oui-da !
dit Jonas, une tour ! Et pourquoi pas aussi un pont-levis ? Un
châtelet d’entrée ? Des mâchicoulis ?
    — Ah !
carrier, tu te gausses ! dit Cabusse. Mais tu ne diras pas que ton
arc-boutant n’a pas bonne allure. Et qu’il fait de ma maison une sorte de petit
château.
    — Il
aura bonne allure quand il sera fini, dit Jonas en essuyant de son avant-bras
la sueur qui ruisselait sur son front. Prête-moi la main pour porter ce bloc,
Cabusse, que tu es là à faire déjà le gentilhomme à regarder travailler les
autres.
    — Ah !
Jonas, tu m’envies ! dit Cabusse en prêtant la main. Et l’envie est un
vilain péché.
    À
deux ils mirent le bloc en place, et non sans peine, si forts gaillards qu’ils
fussent, et Jonas dépassant Cabusse d’une tête. Quand ils eurent fini, ils se
redressèrent, suant et soufflant.
    — Il
pèse, dit Cabusse.
    — Il
pèse un peu, dit Jonas. Mais dans trois cents ans, il sera encore là. Et nous,
nous serons morts.
    — Mais
en attendant, toi, tu vis.
    — Non,
je ne vis pas, dit Jonas. La nuit dans une grotte avec mes chèvres et mes
chevreaux, et le jour seul avec mes pierres, à me ronger le cœur avec ma tête.
Ah ! certes, je les aime, mes pierres, mais je ne puis pas les prendre
dans mes bras. Et je ne possède rien sur cette belle terre du Périgord sinon la
chemise que je porte sur le dos. Pour sûr que oui que je t’envie, Cabusse,
péché ou pas. Si au lieu de me battre à Mespech contre les Roumes, je m’étais
battu à Calais contre les Anglais, c’est moi, ce jour d’hui, qui aurais la
terre, la maison et la fille. Je ne veux pas dire, ajouta-t-il avec tact, que
je t’envie ta Cathau. Dieu le sait, les garces ne manquent point en ce monde,
qui pourraient contenter un homme. Pour te prendre un exemple : Barberine,
si elle n’était déjà mariée.
    Il
ajouta après un temps de réflexion :
    — Ou
Sarrazine.
    — Nous
y voilà ! dit Cabusse. Dire que je ne l’ai même jamais vue, cette
Sarrazine. On dit qu’elle a le feu au cul.
    — Et
quelle pucelle ne l’a pas à son âge ? dit Jonas en reprenant son marteau
et en donnant sur une pierre brute des petits coups précautionneux et précis
qui en détachaient des fragments minces comme des copeaux et dressaient peu à
peu une face aussi droite et aussi plane que s’il l’eût taillée à la scie dans
du bois. Il répéta :
    — Et
quelle pucelle ne l’a pas à son âge ?
    Et
il reprit :
    — Et
où est le mal ? Et qui s’en plaint ? Celui des deux Jean que ce feu
n’intéresse pas... et non pas celui qui s’y intéresse trop : raison pour
laquelle la demoiselle de Siorac a exigé qu’on éloigne la pauvrette. Ce qui
fait que je n’ai même plus le contentement de la voir. Car un renard prend du
plaisir à voir passer une poule, même s’il ne peut pas l’attraper.
    Cabusse
se taisait, presque honteux d’être maintenant si riche et si bien pourvu et
d’avoir laissé si loin derrière lui ce bon compagnon. Car il aimait Jonas,
parce que Jonas disait comme lui tout haut ses pensées et qu’il était, comme
lui, éloquent.
    Jonas
mesura un angle droit sur la pierre avec son équerre, dessina la ligne avec une
pointe acérée et entama la seconde face, les petits coups de son marteau
rythmant ce qu’il disait.
    — Le
fond de la chose, dit-il, c’est l’argent. Avec l’argent, tu fais ce que bon te
semble. Un bel enfant à ta femme (un coup de marteau), en même temps un autre à
une jolie pastourelle (un second coup de marteau). Et cela sans aucun risque
d’être congédié, vu que tu es le maître, et que tu ne peux te congédier
toi-même ! Et pourquoi tu es le maître ? L’argent. Et comment
gagnes-tu l’argent ? Par le travail ? Que nenni ! Par le
travail, tu ne fais rien qu’enrichir ton maître et te maintenir en vie. Mais
l’argent, le bel argent pour acheter

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