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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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populaire surnommait
« Pincettes » — je dirai un jour pourquoi  – unit les deux époux
dans le parler de notre pays (mélangé de français) et selon le rituel en usage
dans le Périgord depuis 1509.
    Cabusse,
debout devant le chœur en uniforme de cavalier de la légion, les bottes bien
récurées, les moustaches bien coupées et cirées, son couvre-chef dans le creux
de son bras, mais sans armes, tourna la tête vers Cathau qui se tenait immobile
dans ses voiles à quelques pas de lui et l’appela d’une voix forte :
    — Catherine
Délibie !
    — Qué
vous plats ? dit Cathau en s’avançant d’un pas dans sa direction.
    — Hiou,
dit Cabusse d’une voix sonore, me donne à vous per votre bon et léal espoux et
mari per paroulas de présent en la faça de Sancta Mayre Esgleysa.
    Cathau
s’avança de plusieurs pas vers Cabusse jusqu’à le toucher et tous deux le
visage tourné vers le chœur, et Cathau, que Cabusse dominait des épaules et de
la tête, dit d’une voix tremblante :
    — Et
hiou vous en recebe !
    Cabusse
s’éloigna alors de quelques pas et Cathau, ayant surmonté ses larmes de joie,
appela d’une voix forte :
    — Jéhan
Cabusse !
    — Qué
vous plats ? dit Cabusse en avançant d’un pas.
    — Hiou,
dit Cathau d’une voix claire, me donne à vous per vestra bonna et lealla
espousa et femma per paroulas de présent en la faça de Sancta Mayre Esgleysa.
    Cabusse
s’approcha alors d’elle jusqu’à la toucher et dit avec gravité :
    — Et
hiou vous en recebe.
    Les
anneaux ayant été bénis par Pincettes, il se produisit un incident qui émut
beaucoup Cabusse. Au moment où il lui passait la bague à l’auriculaire, Cathau
replia brusquement la deuxième phalange pour s’opposer à son glissement. Cela
voulait dire qu’elle entendait être maîtresse en son logis et commander à son
conjoint.
    — Cathau,
s’écria Cabusse avec colère, c’est encore la Maligou qui t’a appris ce
tour ! Que le Diable la crame, mille dious !
    — Ne
jure pas, Cabusse ! dit Pincettes.
    — Pardon,
monsieur le curé, dit Cabusse.
    Il
reprit :
    — Allons,
Cathau, point de quartier, étends ton doigt !
    — Que
nenni ! dit Cathau.
    — Alors
je l’étendrai moi-même, dit Cabusse et, saisissant la petite main de Cathau
dans sa pogne, il allongea de force l’auriculaire, glissa la bague à fond et
dit d’une voix forte :
    — Je
serai donc ton maître !
    — Je
l’entends bien ainsi, dit Cathau, heureuse que Cabusse eût surmonté aux yeux de
tous sa résistance.
    L’enfant
de chœur de Pincettes apporta une cruche remplie de piquette et deux verres, et
quand ils eurent bu, Pincettes dit avec le ton bonhomme et gaillard qu’il
prenait en ces cas-là :
    — Et
ora beysas vous [15] !
    Cabusse
saisit alors la jolie tête de Cathau dans l’étau de son bras et écrasa ses
grosses moustaches sur ses lèvres.
    — Amen !
dit Pincettes.
     
     
    Ma
mère fut fort marrie de perdre Cathau qui, entrée à son service à douze ans,
avait passé treize ans de sa vie avec elle dans une intimité qui n’allait pas
sans tempêtes, ma mère ayant l’humeur hautaine et querelleuse, et Cathau, bonne
langue, menton carré et yeux farouches pour faire face à l’orage. C’était
alors, de part et d’autre, un tumulte à ébranler Mespech et qui indisposait si
fort mon père qu’il chargeait Barberine d’apporter à Isabelle des petits
messages ainsi rédigés : « Madame, si vous devez tancer votre
chambrière, faites-le sans cris. »
    Mais
on eût plus vite détourné la Dordogne de son cours que calmé la fureur de ma
mère quand Cathau lui tenait tête. « Effrontée ! criait-elle, fille
de rien ! Née de rien ! Et rien tu seras, quand je t’aurai renvoyée à
tes vaches ! — Mais je n’ai jamais gardé les vaches ! protestait
Cathau, profondément blessée. Je suis née au château des Milandes, comme
vous-même ! — Ôses-tu bien te comparer à moi, petit excrément !
disait ma mère. Bientôt tu vas dire que tu descends, comme moi, de Raoul de
Castelnau, qui s’est illustré aux Croisades ! — Mais c’est que ça se
pourrait bien ! disait Cathau, les yeux brillants. Ne dit-on pas que votre
grand-père, en son vieil âge, a eu des faiblesses pour ma mère, qui était
chambrière de la vôtre ? En ce cas, Madame, que cela vous plaise ou non,
je serais un peu votre tante  – même si je suis plus jeune que
vous », ajouta-t-elle non

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