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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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l’intention de négliger les femmes 11 . » Ses nièces ne se montrent pas particulièrement
sensibles à tant de réserve. Peut-être ont-elles d’ores et déjà commencé à se
gausser de son peu d’enthousiasme à « imiter le public du pays et à tirer [sa]
part de gâteau ». Pour l’instant, toutefois, il n’en a guère conscience.
    Lorsqu’arrive le joli mois de mai, Hortense commence à
manifester de nouveaux signes d’affection à l’égard de son oncle. Elle se met à
nettoyer sa chambre avec une diligence inusitée ou à coudre ensemble ses
manuscrits ; il lui arrive de rester tard pour lui tenir compagnie le soir.
Fourier apprécie ces conversations. Elle n’est pas si jolie que Clarisse ;
peut-être, pense Fourier, a-t-elle été « dupe de ces amoureux par qui [il la
voyait] traitée si cavalièrement ». Mais elle parle comme si elle avait des
trésors d’amour inemployé à revendre. Cela la rend sympathique à Fourier : il a
toujours eu un faible pour les femmes humiliées. De plus, il se dit qu’il
pourrait en apprendre beaucoup d’elle sur la passion de l’amour, passion à
laquelle il compte consacrer une part importante de son Grand Traité. Déjà, il
a commencé à travailler sur les chapitres d’introduction. Bientôt, il la laisse
jeter un coup d’œil à ses cahiers. Elle en lit quelques lignes, rit, puis
ajoute parfois des critiques si « fines et judicieuses » qu’il s’en déclare «
ébahi ». Beaucoup plus tard il dira : « Je me rappelle encore deux avis qu’elle
m’a donnés à cette époque, et ils me servent encore de règle dans tous les
morceaux du genre analogue 12 . »
    De telles marques de sympathie et d’encouragement n’auraient pas
pu tomber à meilleur moment. Fourier, en effet, ce printemps 1816, a commencé à
perdre courage devant l’immensité de la tâche intellectuelle qui l’attend. Il
est arrivé à Talissieu avec en tête une idée assez précise du traité qu’il veut
écrire. Le plan des trente-deux chapitres a déjà pris forme dans son esprit
avant son départ de Lyon 13 . Mais
depuis cinq mois qu’il est arrivé, il n’a guère avancé au-delà des stades
initiaux. Il a invoqué « Dieu et le diable » dans toute une série de
justifications préliminaires, de diatribes contre la civilisation, d’explications
de l’« énigme » des Quatre Mouvements. Il a aussi composé, pour son propre
amusement ou en vue d’une publication éventuelle, un certain nombre d’articles
de circonstance, dont beaucoup ont trait à l’astronomie ou à la cosmogonie 14 . Mais il est à nouveau en proie au « mal
de nerfs » dont il a déjà souffert à Lyon. Pour ne rien arranger, « les beaux
esprits de Talissieu » ont découvert qu’il essaie d’écrire un livre : on se
gausse ouvertement de lui ; on encourage ses nièces à faire chorus. Dans ces
conditions, la tâche de « tirer du néant » « tout un corps de doctrine » semble
pratiquement sans espoir : « Je pliais sous le faix. J’étais vraiment aux abois 15 . »
    Dans un tel contexte, les gestes inattendus d’Hortense pour
marquer sa sympathie et l’intérêt qu’elle porte à ses travaux font des ravages
chez Fourier : c’est la providence qui inspire à la jeune femme tant
d’attention à ses besoins ; il s’accroche à elle comme à « un appui que le sort
[lui] envoyait ». Au fil des semaines, non seulement Fourier tombe amoureux de
sa nièce, mais il se montre de plus en plus impressionné par la qualité de son
regard critique. Il sollicite son avis sur une foule de problèmes liés à son
travail et prend rapidement conscience d’avoir à ses côtés « un petit Geoffroy
», avec un « talent inné de la critique ». Il commence à voir dans Hortense un
« talisman » pour son entreprise intellectuelle et à nourrir l’espoir que ses
encouragements lui permettront de faire aboutir son projet
    Il me parut fort naturel d’espérer pareil secours
d’Hortense. Je me persuadai à tort ou à raison qu’elle me serait d’un grand
secours, que ses critiques m’aideraient pour la partie littéraire et que cela me
donnerait le courage d’entreprendre la partie dogmatique : il faut aux auteurs
des illusions ; elles sont bonnes quand elles aident à marcher au but 16 .
    Stimulé par cette « illusion » qu’il vient de trouver, Fourier
se met à travailler en mai 1816 au corps du traité. Son esprit court plus vite
que sa plume. Il sent que, grâce aux encouragements

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