Fourier
AVANT-PROPOS
Lorsque j’ai commencé à le lire, au début des années
soixante, Fourier m’a séduit, en partie par son étrangeté, en partie parce que,
de tous les penseurs de la tradition socialiste, il me parut être celui qui
offrait la vision la plus large, la plus généreuse, du champ du possible ouvert
à l’homme. Il n’existait alors aucune biographie savante de Fourier. Sans
mesurer entièrement à quoi je m’engageais, je décidai que j’en écrirais une. Il
m’a fallu pratiquement vingt ans pour achever ce livre. Entre-temps, le monde a
changé. Moi aussi. Je prends cependant toujours le même plaisir à lire Fourier.
Et je crois qu’aujourd’hui, plus encore que dans les années soixante, nous
avons grand besoin de sa capacité d’indignation, de sa compassion et de son
imagination utopique.
Cela dit, je dois ajouter que le livre que je présente ici
n’est pas pour autant une sorte de « Fourier pour notre temps ». Mon objectif,
au contraire, a été de voir Fourier en relation avec le monde où il a vécu, de
le situer dans le contexte historique et intellectuel où il s’inscrit en même
temps qu’il contribue à le contester. L’approche que j’adopte ici n’est plus
exactement celle de mes débuts. Mais, pour être franc, je ne tiens pas
tellement à me ressouvenir de mes premiers balbutiements, quand j’ai commencé à
essayer d’envisager la pensée de Fourier dans une perspective historique. Sauf
que je ne veux pas oublier l’aide que, chemin faisant, m’ont apportée tant
d’amis, de collègues, de maîtres.
J’ai commencé à travailler à la thèse de doctorat qui
constitua la première, et encore modeste, incarnation du présent livre en 1962,
au cours de la première année que j’ai passée rue d’Ulm, comme « pensionnaire
étranger » à l’École normale supérieure. Je l’ai terminé au printemps 1984,
alors que j’étais chercheur invité au Centre d’études européennes de
l’université Harvard. La majeure partie des années entre ces deux dates, je les
ai passées comme membre du collège Adlaï Stevenson, à l’université de
Californie à Santa Cruz. Je voudrais exprimer d’abord mes remerciements pour le
soutien que j’ai reçu de chacune de ces trois institutions. Je tiens à
remercier tout particulièrement Louis Bergeron, à l’époque « caïman »
d’histoire à l’École normale, Stanley Hoffmann, directeur du Centre d’études
européennes, et Dean McHenry, à la vision et à l’obstination duquel
l’université de Californie à Santa Cruz et le collège Adlaï Stevenson doivent
leur existence. Si l'« UCSC » n’a jamais été le phalanstère fouriériste pour
lequel on l’a parfois prise, elle a été pour moi un lieu merveilleux, où
enseigner et écrire - un jardin fertile où mon livre pouvait mûrir et pousser à
son propre rythme (c’est-à-dire lentement) jusqu’à atteindre la dimension
considérable qu’on lui voit: un peu comme les citrouilles qu’on trouve juste au
nord d’ici, du côté de la baie de la Demi-Lune.
Au cours de mes recherches, j’ai bénéficié de l’aide
financière du gouvernement français, du Tower Fund de l’université Harvard, et
du Comité pour la recherche de l’UCSC. J’ai une dette particulière à l’égard du
Conseil américain des sociétés savantes, qui, en m’accordant une bourse, m’a
permis de passer l’année universitaire 1976-1977 à Paris, à un moment où il
était crucial pour moi de pouvoir être sur place. J’ai aussi bénéficié de la
gentillesse et du dévouement des bibliothécaires et archivistes des
institutions suivantes : les Archives nationales, la Bibliothèque nationale, la
bibliothèque de l’Arsenal, la bibliothèque de l’École normale supérieure,
l’Institut français d’histoire sociale, l’Institut international d’histoire
sociale d’Amsterdam, les bibliothèques municipales de Besançon et de Lyon, les
archives municipales de Belley (Ain), les archives départementales du Doubs et
du Rhône, les bibliothèques Widener, Kress et Houghton de l’université Harvard,
la Baker Library du Dartmouth College et la McHenry Library de l’UCSC. Je tiens
à remercier tout particulièrement le personnel des Archives nationales, où j’ai
été résident quasi permanent pendant deux ans, et René Lacour, ancien directeur
des archives du département du Rhône, qui m’a confié les clefs de son château,
me permettant ainsi de communier,
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