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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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m’éveiller suffisamment pour ôter mes vêtements, même si je n’en avais aucun souvenir. Je dormis par intermittence, comme dans un rêve enfiévré ; je vis les garçons de l’école des cantoretti tendre leurs bras balafrés comme pour exhiber des stigmates, mais bientôt ils s’évanouirent et apparut à la place une vision de Nando tenant une croix en verre qui se cassait au moment où il me la présentait, les tessons s’enfonçant dans sa chair ensanglantée.
    Je me réveillai tremblante de froid alors que le jour promettait déjà d’être chaud. Mais je me réveillai surtout en entendant quelqu’un donner de grands coups à ma porte : la voix de Vittoro, pressante, qui répétait instamment mon nom.

29
    D ans la chambre planait une odeur de vomissure et de peur. Les volets des hautes fenêtres donnant sur le fleuve n’avaient pas été fermés et laissaient donc entrer une légère brise, mais cela ne suffisait pas à atténuer l’oppressante puanteur. La jeune servante au teint pâle qui secouait un encensoir rempli de bois de santal n’avait guère plus de succès.
    Il y avait bien trop de monde dans cette chambre, et la plupart des personnes présentes n’avaient pas lieu de rester. Mais ainsi en va-t-il toujours dans ces cas-là.
    Lucrèce se pencha au-dessus du lit pour tenter de repousser les bichons maltais qui s’étaient tapis dans les couvertures en poussant de petits cris plaintifs. Elle s’écarta vivement lorsque La Bella se redressa pour régurgiter de nouveau dans la bassine que tenait pour elle une autre malheureuse. Dans un gémissement, la maîtresse de Borgia se cala de nouveau contre ses coussins trempés de sueur.
    Les sages-femmes rôdaient autour d’elle, bien qu’elles ne puissent plus rien faire. Les médecins en robe noire, qui comme la grande masse de leurs confrères détestaient être appelés dans ce genre de cas, jetaient des regards furtifs vers la porte en spéculant sur le meilleur moyen de prendre la fuite.
    Quant à moi, je ne pouvais quitter des yeux la preuve tangible de mon déplorable échec, tout en me demandant désespérément comment j’allais sortir en vie de ce cauchemar éveillé.
    La Bella était pâle ; elle avait les yeux profondément creusés, la respiration saccadée, le pouls faible. Elle était consciente, sans toutefois comprendre vraiment (j’imagine que c’était une bénédiction) ce qui était en train de lui arriver. J’aurais pu imputer son état à toutes sortes de causes ; mais les lésions rougeâtres sur ses membres et son buste ne trompaient pas.
    Il était impossible qu’un agent naturel en soit la cause. Je soupçonnais du tartre émétique, également connu sous le nom d’antimoine ; soit cela, soit de l’arsenic, leurs symptômes étant similaires. Mais ni l’un ni l’autre pris seul n’aurait su expliquer la rapidité de l’avortement qui lui avait ravi son enfant. J’étais donc d’avis qu’on y avait ajouté de la tanaisie, car donnée sous la bonne forme et au bon dosage, elle s’avère être un puissant abortif.
    J’avais administré du jus d’émétine peu après mon arrivée, ayant eu la présence d’esprit d’en attraper une fiole avant de sortir de ma chambre, puisque Vittoro m’avait annoncé sur place le grand malheur qui venait de frapper la maîtresse de Borgia. Cela peut paraître étrange de faire boire une potion destinée à provoquer des vomissements sur quelqu’un qui en souffre déjà, mais mon instinct me disait que la priorité était de lui vider l’estomac. Le résultat fut violent ; il ne restait plus qu’à espérer qu’il soit suffisant.
    Les médecins firent claquer leur langue et secouèrent la tête en me voyant faire, mais gardèrent le silence. Ils restaient car ils n’osaient désobéir à Madonna Adriana, qui les avait fait venir ; celle-ci se tenait un peu à l’écart, les mains dissimulées sous les manches de sa robe comme pour éviter toute contamination. Ils étaient donc présents (et n’omettraient pas de présenter ensuite leur note d’honoraires), mais aucun n’allait dire ou faire quoi que ce soit qui puisse les mettre en cause lorsque la mort (qu’ils croyaient tous inéluctable) adviendrait.
    Ce n’était pas mon cas. Face à un tel désastre, je n’avais plus rien à perdre.
    — Il faut la maintenir bien calée contre les coussins, dis-je à Lucrèce.
    J’avais le sentiment que la jeune fille était ma seule alliée dans cette

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