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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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rocher de Saint-Pierre.
    César avait l’air sceptique.
    — Je crois bien que je préférerais arracher Torquemada de son lit pour voir ce qu’il nous avouerait sous la contrainte.
    — Comme c’est tentant…, fit Borgia, sans toutefois donner son approbation.
    À défaut, il me regarda.
    — Tu es au courant qu’il y a des centaines de gardes dans tout le Vatican, donc également dans la basilique. Comment Morozzi aurait-il pu tous les esquiver ?
    — Je ne sais pas, admis-je de nouveau. Mais l’autre fois il a disparu quasiment sous mes yeux, près de l’autel de sainte Catherine de Sienne. Nous pourrions peut-être commencer par là.
    — S’il est capable de disparaître ainsi, répliqua César nerveusement, il est peut-être davantage démon qu’homme.
    Instinctivement, il se signa.
    — Prends ceci, dit Borgia en tendant à son fils (dont il cernait fort bien la nature) le crucifix en or qu’il portait toujours sous sa chemise.
    César s’en saisit et le mit à son cou. Sa foi, si elle s’éloignait furieusement du dogme prôné par l’Église, fut toujours bien plus profonde que la mienne – et voyez comment il en fut récompensé par la suite.
    — Va avec elle et ne la quitte pas des yeux, ordonna Borgia. (Il s’était levé, ayant un soudain regain d’énergie.) Trouve Morozzi. Prends-le vivant si tu peux, tue-le si tu le dois. Mais je compte sur toi pour t’assurer qu’il ne me cause plus de tracas.
    César inclina la tête une fois, en signe d’acquiescement, et d’un même geste mit son casque. Il posa une main sur le crucifix et l’autre sur le manche de son épée et, sur ce, sortit de la pièce.
    J’en aurais fait autant, si Borgia ne m’avait arrêtée.
    — Qu’as-tu vu, Francesca ? demanda-t-il, si doucement qu’au départ je ne fus pas certaine qu’il ait parlé.
    Je me retournai et le regardai l’air délibérément innocent, alors que mon cœur battait soudain la chamade.
    — Quand cela, Éminence ?
    — Il y a quelques instants, quand tu n’étais plus avec nous. Quelle vision t’a-t-elle été révélée ?
    Je pris une lente inspiration. Il m’observait de près. Je craignais qu’il ne voie bien trop de choses en moi.
    — Sauf votre respect, précisai-je (car je n’allais rien lui apprendre), seuls ceux qui se sont attiré les bonnes grâces du Seigneur peuvent espérer voir au-delà du voile qui recouvre le monde.
    Il se pencha en arrière dans son fauteuil, un vague sourire au coin des lèvres. Je ne le dupais pas un instant.
    — Tu crois vraiment ce que tu dis ? s’enquit-il.
    — C’est bien ce que nous enseigne la sainte Église, non ?
    — Et la sainte Église n’a jamais tort, c’est ça ?
    Un phalène, attiré par la lumière vacillante des bougies, entra dans la pièce. Il voleta en cercle autour d’une flamme, si près que je crus qu’il allait s’y brûler les ailes.
    — Vous êtes bien plus à même de répondre à cette question que moi, Éminence.
    D’une voix douce, il répliqua :
    — Effectivement je devrais l’être, Francesca. Je te connais depuis ton enfance, je t’ai vue grandir dans ma maison, j’ai pris note de tes talents un peu spéciaux et, dirons-nous, de ta vulnérabilité. Et pourtant je dois admettre que lorsqu’il s’agit de toi, je suis toujours en proie à une certaine confusion.
    — Vous ne devriez pas, répliquai-je, déconcertée à l’idée qu’il ait pu m’observer aussi attentivement. Je suis, par-dessus tout, votre fidèle servante.
    Avant qu’il ne puisse répondre, j’ajoutai :
    — Faites quelque chose pour moi, si vous le voulez bien. Envoyez des hommes à l’échoppe du verrier Rocco Moroni, dans la Via dei Vertrarari. Il a eu affaire à Morozzi et aura peut-être une idée de l’endroit où il pourrait se cacher.
    J’espérais que cette visite à une heure indue ne perturberait point trop Rocco, mais j’étais persuadée qu’il en comprendrait la nécessité. Si je me fourvoyais concernant la cachette de Morozzi, je devais le savoir le plus vite possible.
    — Très bien, répliqua Borgia.
    Il semblait sur le point d’ajouter autre chose, mais je ne lui en laissai pas le temps. Je le remerciai dans un murmure et sortis prestement de son bureau, dévalant les larges escaliers plongés dans la nuit.
    En bas César m’attendait en faisant les cent pas, l’air impatient, tel un superbe fauve qui n’attendait comme moi qu’une seule chose : être lâché pour partir à la

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