Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
là, ajoutai-je.
Même si, il fallait bien l’admettre, je ne voyais pas bien comment il aurait pu y accéder aussi rapidement, tout au moins pour le moment.
— Ou peut-être qu’il s’est évaporé dans les airs, proposa César. Si c’est réellement un serviteur du Diable, il pourrait fort bien posséder ce genre de pouvoir.
Ce qui ferait de lui un ennemi impossible à vaincre. C’était une idée que je ne pouvais accepter, pas plus que de voir César transi par d’aussi sinistres peurs.
— Si c’est un démon, lui fis-je remarquer pour le raisonner, comment aurait-il pu entrer dans ce lieu sacré ? Assurément, il aurait été frappé à la minute même où il en franchissait les portes.
— Pas s’il a pris soin de ne pas toucher à l’eau bénite, répliqua César avec le plus grand sérieux. Du moment qu’il a évité de s’en oindre, il est possible qu’il ne lui soit rien arrivé.
Je n’avais jamais rien entendu de la sorte, mais en même temps je ne suis pas experte en démons. En revanche je possède un minimum de bon sens, qui présentement allait me servir.
— César, c’est un prêtre. Sa charge requiert de lui qu’il dise la messe tous les jours. Comment parviendrait-il à transformer le vin et le pain si c’était un démon ?
— Il doit simuler, c’est sûr. Et je te rappelle que c’est toi qui as dit l’avoir vu disparaître quasiment sous tes yeux. Si tu as une meilleure explication, je t’en prie, vas-y.
Je n’en avais pas, mais j’étais désormais encore plus déterminée à en trouver une qui ancrerait fermement Morozzi dans le royaume des mortels, c’est-à-dire à notre portée. Car dans le cas contraire, nous étions vaincus avant même d’avoir commencé.
Faisant signe à un homme d’armes de me suivre avec sa torche, j’avançai lentement vers l’autel de sainte Catherine et m’agenouillai devant. Ayant retrouvé la position exacte dans laquelle j’étais lorsque j’avais senti la présence de Morozzi, je me retournai et regardai dans la direction où il était apparu. En ne la quittant pas des yeux, je me levai et fis quelques pas, comme la fois précédente.
César m’observait attentivement – tout comme ses hommes, qui ne cherchaient pas à dissimuler leur gêne. C’est curieux comme les gens se sentent souvent mal à l’aise dans les lieux sacrés, en particulier la nuit. Je ne sais ce qu’ils imaginent tapi entre les bancs, mais visiblement ils n’ont pas envie de le découvrir.
— Nous perdons notre temps, dit César d’un ton nerveux. Torquemada…
Je l’ignorai et tendis mes mains devant moi à l’endroit exact où Morozzi avait disparu. Un pas… un autre… je touchai une surface dure.
— Apportez la torche, m’exclamai-je.
Dissimulée entre deux piliers, dans la pénombre, se trouvait une petite porte. Elle était recouverte des mêmes panneaux que les murs contigus, de façon à être quasiment invisible à l’œil nu. Mais lorsque je posai la paume de ma main contre le bois et poussai légèrement, elle s’ouvrit sans un bruit. Manifestement, les gonds étaient huilés régulièrement. Juste derrière, je distinguai au mur une boîte à frotter posée dans une petite niche, ainsi qu’une fixation en fer destinée à accueillir une torche – vide.
— Qu’est-ce que tu disais, déjà, sur les pouvoirs démoniaques de Morozzi ? lançai-je, sourire aux lèvres.
César eut l’élégance de paraître confus.
— C’est un vestiaire, suggéra-t-il en songeant à la pièce où les prêtres revêtent leur tenue avant de dire la messe.
Mais j’avais entraperçu des marches descendant dans le noir, et je savais que c’était bien davantage que cela.
César – je le précise car c’est tout à son honneur – lâcha sa croix et insista pour prendre la tête de notre troupe. Je suivis avec ses hommes, qui levaient leurs torches bien haut pour éclairer le sombre passage.
La sensation de froid et d’humidité fut instantanée. Lorsque je pris une inspiration, un air vicié entra dans ma poitrine. Les murs visiblement très anciens suintaient, et le sol en pierre était glissant à cause du lichen qui y avait poussé. Je reconnus une odeur d’argile humide, ce qui me fit songer à la colline dans laquelle on avait creusé la basilique, et je priai pour que Constantin ait vraiment pris le temps de vider l’ancien cimetière avant de s’attaquer à la construction.
Nous poursuivîmes notre chemin, le passage
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