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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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tremblante, et essuyai les larmes qui coulaient à flots sur mon visage.
    Toute idée de retrouver le sommeil étant exclue, je m’assis à la petite table près de la fenêtre et lus toute la nuit, cherchant dans les carnets le moindre élément susceptible de m’éclairer sur cette grande et terrible découverte qui m’était tombée dessus.
    Mais vous aimeriez savoir ce dont il s’agit. Ce que Sofia Montefiore m’a dit là-bas, dans le charnier du ghetto.
    Très bien ; mais vous aurez été prévenus. Un tel savoir est une malédiction, qui instantanément vous arrache au paradis de l’heureuse ignorance dans lequel vous vous plaisez à vivre, sans jamais vous douter qu’une seule faute peut briser votre vie si totalement.

7
    — La dernière fois où j’ai vu ton père, m’avait raconté Sofia, l’inquiétude le rongeait. Je ne l’avais jamais vu plus affolé et il éprouvait la plus grande difficulté à s’exprimer, ce qui se comprend, car quand on parle du diable on lui donne vie.
    Elle avait passé une main lasse sur son visage, puis ajusté sa position avant de continuer.
    — Tu vas me demander comment il savait ce qu’il savait, alors je te le dis d’emblée : il ne me l’a pas expliqué et je n’ai rien demandé. C’était déjà bien suffisant d’avoir fait pareille découverte.
    — Et qu’est-ce que c’était ?
    Je commençais à m’impatienter devant ce qui semblait être de la fausse timidité. Que Dieu me pardonne, je ne comprenais toujours pas, alors.
    Ses yeux aux cernes sombres étaient injectés de sang, mais j’ai été bien plus marquée par la profonde et impénétrable tristesse qui s’y reflétait.
    — Il semblerait, avait-elle soupiré enfin, que l’expulsion de tous les juifs d’Espagne, avec toutes les souffrances que cela nous a apportées, ne soit pas suffisante. Sa Sainteté le pape n’est pas encore satisfaite. Pour le bien de son âme, il prépare en ce moment même un édit visant à nous expulser de toute la chrétienté, sous peine de mort si quiconque osait le braver.
    Sa voix s’était quelque peu affirmée à mesure que l’indignation la gagnait.
    — Innocent usera de son autorité pour expulser tous les juifs des États pontificaux. Mais il ne compte pas s’arrêter là. Il va demander à chaque roi et prince d’en faire autant pour nettoyer la chrétienté de la « pollution » que nous représentons pour lui. Il est prêt à exiger cela dans les termes les plus fermes, et même à menacer d’excommunication tout souverain qui lui désobéirait. Et comme si cela ne suffisait pas, pour être sûr de tous nous balayer de la surface de la Terre, il veut lancer ses fidèles à nos trousses.
    Elle avait posé ses mains usées et encore tachées du sang de la jeune mère à plat sur la table, puis m’avait regardée droit dans les yeux.
    — Si cet édit est publié, le peuple juif est menacé d’extermination.
    Je l’avais entendue, manifestement ; j’avais même plus ou moins compris ce qu’elle disait. Juifs… malheur… extermination… Oui, oui, tout était très clair. Mais que Dieu me pardonne, tout ce qui m’importait en cet instant, c’était de comprendre en quoi cela avait à voir avec mon père.
    D’après Sofia Montefiore, le sort des juifs l’avait alarmé, ce que je supposais possible. C’était un homme au cœur tendre, une qualité qui parfois ne s’accordait pas avec sa profession. Je me souviens d’une fois où, ayant recueilli un moineau à l’aile cassée, il s’en était si bien occupé qu’il avait pu le relâcher, au moment même où nos derniers poisons (à mort rapide) étaient en phase de test sur des chiens, ainsi que divers autres animaux.
    Donc, en partant de l’hypothèse que mon père ait eu vent d’un tel projet, aurait-il prévenu les juifs ? Depuis que j’avais appris qu’il en comptait une parmi ses amis, cela semblait plausible. Mais si Sofia Montefiore disait vrai (ce qui restait pour moi une question encore sans réponse), il était allé beaucoup plus loin. Suffisamment pour craindre que toute personne liée à lui se trouve sous peu en grave danger.
    C’est la raison pour laquelle, selon elle, il avait cherché le moyen de provoquer une mort qui paraisse totalement naturelle.
    Je m’emmitouflai un peu plus dans mon châle, comme si ce geste pouvait aider à contenir la peur qui était en train d’exploser en moi. Par la fenêtre je vis se dresser l’ombre inquiétante de la

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