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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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et noir qui m’aurait terrifiée, eussé-je encore possédé la capacité d’éprouver quoi que ce fût.
    L’éclat de l’or à un coin de mon œil me ramena à la réalité. Vittoro tenait une chaîne en évidence devant moi, pour que je la regarde. Une médaille que je connaissais bien s’y balançait.
    Je refermai les doigts dessus, et reportai mon regard sur ce qui autrefois avait été un homme. De très loin me sembla-t-il, je m’entendis parler.
    — C’est le pape qui a donné l’ordre de tuer mon père ? C’est bien ce que tu es en train de me dire ?
    — Oui, oui ! sanglota-t-il. De grâce, aidez-moi !
    Je l’entendis à peine car à cet instant je fus distraite par une silhouette surgie de la pénombre. Vêtu d’écarlate et d’or, ses puissantes épaules bloquant la lumière derrière lui au point de nous plonger dans l’obscurité, Son Éminence le cardinal Rodrigo Borgia, prince de notre Mère la sainte Église, était en train de me sourire.
    — Aide-le, répéta-t-il.
    Il tira alors un couteau de sous ses robes, et me le tendit.
    Je n’ai aucun souvenir d’être remontée. Quand je retrouvai enfin mes esprits, j’étais dans le bureau d’Il Cardinale, assise sur la même chaise que quelques heures plus tôt. La médaille était encore dans ma main, et je la serrais si fort qu’elle avait laissé une empreinte dans ma chair.
    Mon autre main était tachée de sang.
    Quant au couteau, il avait disparu.
    Vittoro me tendit un verre de cognac.
    — Buvez, ordonna-t-il, et je lui obéis, avalant d’un trait.
    J’avais très froid, ce qui était ridicule au vu de la chaleur de la nuit. Il avait dû pleuvoir, car la terrasse derrière les hautes fenêtres scintillait d’humidité sous le clair de lune. Une partie de moi s’émerveillait de penser que le monde avait prosaïquement continué à tourner quand mon être tout entier était bouleversé.
    Borgia était à son bureau. La lumière des chandelles faisait ressortir ses traits graves. Il était en train de jouer avec une petite lame, de celle qu’on prend pour ouvrir les cachets sur les lettres.
    — Tu t’en es mieux sortie que je ne l’aurais cru, s’exclama-t-il.
    Lorsque je vous dis que je n’ai aucun souvenir d’être revenue dans le monde du dessus, c’est la vérité. Toutefois, je me rappelle très bien de ce qui s’est passé en ces ultimes instants, dans les entrailles du palazzo. Moi qui détestais le sang par-dessus tout, j’avais tranché la gorge du meurtrier de mon père – enfin de l’un d’eux, à n’en pas douter, et un sous-fifre encore.
    Une proie bien plus grande m’attendait.
    Son flot de vie avait coulé sur le chevalet et le sol en pierre, venant quasiment me toucher les pieds, et cela m’avait évoqué des images que j’avais vues d’anciens sacrifices. Je n’avais eu qu’un bref moment pour considérer le stupéfiant sentiment de satisfaction et de soulagement qui avait explosé en moi avant que Vittoro me tire en arrière d’un coup sec, m’arrache le couteau de la main et le jette au sol. Sans attendre la permission du Cardinal, il m’avait fait sortir précipitamment.
    À présent il me tendait un autre verre de cognac, que j’acceptai mais sans le boire. Toute mon attention était tournée vers Borgia. S’il m’avait sous-estimée, j’en avais fait de même à son égard. Jamais je n’aurais imaginé jusqu’à quelles extrémités il était prêt à aller pour obtenir mon concours dans cette affaire.
    — Je préfère quand même le poison, avançai-je prudemment pour dissimuler les sombres émotions qui bouillonnaient en moi. Borgia en voyait déjà trop ; je ne le laisserais pas en voir davantage de mon plein gré.
    — La vengeance reste la vengeance, déclara-t-il, quelle que soit la forme qu’elle prenne.
    Le lévrier à ses pieds leva la tête et le regarda, puis la laissa retomber. C’était l’un de ses chiens de chasse préférés ; le gros de la meute restait dans sa résidence de campagne, mais une poignée d’entre eux, qu’il affectionnait particulièrement, était toujours à ses côtés. Borgia aimait beaucoup les animaux, pour sûr, sauf ceux qu’il se plaisait à voir écartelés.
    — « La vengeance est mienne, dit le Seigneur », rétorquai-je en songeant l’espace d’un instant que Rocco aurait été content de m’entendre parler ainsi. Et pourtant je ne pouvais adhérer à ce précepte, pas tant que l’homme qui avait donné l’ordre

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