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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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signifiaient mais elles me ramenèrent de nouveau à saint Augustin, pour qui l’endurance de ce peuple élu par Dieu est la preuve de la véracité de la prophétie biblique. Et que si les juifs sont là par la volonté de Dieu, nous serions bien malavisés de les martyriser – mais, bien entendu, je ne suis point théologienne.
    À mon retour au palazzo, je me sentais lasse et crasseuse. Je pris un bain et fis un repas léger, mais j’avais toujours désespérément besoin de me reposer. Mes côtes m’élançaient toujours et les bleus que je venais d’acquérir rendaient mes moindres faits et gestes douloureux. Pourtant, la simple idée de dormir me terrifiait, car dormir est une invitation au rêve – ou, dans mon cas, au cauchemar.
    L’instinct m’entraîna plutôt dehors, au soleil, et de là dans la ville elle-même. Vittoro ordonna à un jeune garde de m’accompagner (autre que le malheureux Jofre, toujours de corvée de latrines) quand je lui certifiai que je désirais seulement marcher un peu pour m’éclaircir les idées.
    —Vous feriez mieux de vous reposer, lança-t-il, mais il n’insista pas.
    Je sortis donc par cette belle journée, le garde me suivant à la trace. C’était un très bel après-midi, et les rues étaient encore plus bondées que d’habitude. Chariots et charrettes essayaient de se frayer un chemin sur le Pons Ælius, qui enjambe depuis des siècles le fleuve au pied du château Saint-Ange. Je tentai bien d’éviter de regarder dans la direction de la vaste forteresse aux murs de pierre incurvés qui se dresse fièrement au-dessus de Rome depuis le temps de l’empereur Hadrien, mais en vain. À en croire la rumeur c’était là qu’Innocent vivait maintenant, ayant quitté son coquet palazzetto près de Saint-Pierre pour le refuge bien plus sûr que constituait le castel . La vue de ses fenêtres devait à n’en pas douter être plus agréable que de celles donnant sur la cour intérieure, où on procédait aux exécutions des prisonniers. D’aucuns disaient qu’il y en avait chaque jour davantage, et je ne voyais pas pourquoi je remettrais cela en cause.
    À mi-chemin sur le pont, je m’arrêtai et regardai par-dessus mon épaule. J’avais l’impression d’être épiée. Me voyant faire, le jeune garde m’imita et regarda alentour. Il ne vit rien d’alarmant dans la foule qui se pressait autour de nous, et du reste moi non plus. Convaincue que cette pointe d’anxiété était due à mon état de fatigue, je repris mon chemin.
    Dès le pont traversé, j’arrivai en vue de la basilique Saint-Pierre, qui avait bien perdu de sa magnificence. De nos jours, elle est dans un tel état de délabrement qu’on ne saurait en vouloir aux visiteurs qui détalent d’un point à un autre en regardant au ciel d’un air inquiet, de crainte de se recevoir sur la tête un morceau de pierre détaché du toit à pignons. En dépit de cela, mon père et moi avions toujours aimé y venir. Nous avions tous deux une certaine fascination pour l’histoire ancienne, et cette basilique vieille de mille ans en est le parfait témoin.
    Comme toujours, la cour fourmillait de prêtres, de commerçants, d’avocats et de promeneurs en tout genre. Beaucoup s’attardaient dans l’atrium pour admirer la superbe mosaïque de La Navicella , qui représente saint Pierre marchant sur les eaux. Je me faufilai entre eux et gagnai l’intérieur de la basilique, m’arrêtant un instant pour embrasser du regard la nef centrale, jusqu’au maître-autel. J’ai déjà confessé mon manque de piété, mais même une créature telle que moi ne peut s’empêcher d’être émue par la somptueuse table de marbre et d’or prête à recevoir le sacrifice de l’agneau, et entourée de colonnes que le grand Constantin lui-même aurait prises dans le temple de Salomon.
    Mais de tels joyaux n’étaient pas pour moi. Je me dirigeai vers l’une des allées latérales et les nombreux autels mineurs qui ornaient la nef des deux côtés. Je cherchais celui consacré à sainte Catherine de Sienne, qui, au-delà de son expérience de mariage mystique avec le Christ, avait consacré sa vie entière aux indigents et aux malades. Mon père m’avait offert une médaille d’elle, fondue à l’occasion de sa canonisation une vingtaine d’années plus tôt. Selon lui, elle avait appartenu à ma mère. Je l’ai encore.
    Là, dans le calme relatif de la basilique, je tentai de prier. Le jeune garde resta à

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