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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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pensée pour le moins surprenante. Le grand saint Augustin disait que l’homme reçoit de Dieu le don du libre arbitre. Mais il disait également que Dieu connaît notre destin depuis la naissance. Comment ce qui est connu de Dieu pourrait-il être soumis au choix de l’homme ? Et au contraire, s’il n’y a point de choix, comment être légitimement tenu pour responsable de ses péchés ?
    Vous voyez les circonvolutions dans lesquelles nous, chrétiens, nous empêtrons, pour tenter de connaître l’inconnaissable ?
    Mieux valait se concentrer sur la question qui nous préoccupait immédiatement.
    — Et où la raison de mon père l’avait-elle mené ? repris-je.
    — Il était arrivé à la conclusion que certaines personnes ont plus de chance d’attraper certaines maladies lorsqu’elles sont en contact étroit avec des individus déjà affectés.
    Cela, tout au moins, me paraissait évident. La plupart des médecins et prêtres refusent de s’approcher de quiconque soupçonné d’être contagieux à moins d’être grassement rétribués, et même ainsi, ils font leur devoir en poltrons. Sofia était vraiment une exception, à cet égard.
    — Aucune personne soupçonnée d’être malade ne serait autorisée dans l’environnement immédiat du pape, poursuivit-elle. Par conséquent, il fallait que ton père trouve un autre moyen d’amener la contagion à Innocent.
    — Et y est-il parvenu ?
    Elle hésita si longtemps que je commençais à me demander si elle finirait par répondre, quand finalement elle annonça :
    — Il pensait qu’il était peut-être possible de se servir du sang pour transmettre la maladie.
    — Pourquoi le sang ? rétorquai-je. Les quatre humeurs ne sont-elles pas d’égale importance ?
    En tout état de cause c’était ce que l’on m’avait appris, l’idée remontant aux Grecs et à Hippocrate et ayant été reprise par tous les médecins depuis.
    — C’est effectivement ce que l’on pense généralement, reconnut Sofia. Le sang, la bile jaune, la bile noire et le flegme ont tous un rôle à jouer dans l’humeur et le bien-être. Un excès de bile jaune prédisposera aux accès de colère tandis que trop de bile noire sera cause d’insomnies et d’irritabilité. Chacune des quatre humeurs a un effet différent mais égal sur le corps.
    — Dans ce cas, pourquoi mon père avait-il spécifiquement distingué le sang ?
    — Parce que, interrompit Ben Eliezer, c’était notre meilleur espoir d’atteindre Innocent.
    À son regard (et à son grand plaisir, c’était évident), je compris que je n’allais pas aimer ce que j’étais sur le point d’entendre.
    — Depuis plusieurs années maintenant, expliqua-t-il, votre pape cherche à se maintenir en bonne santé et à retarder l’heure de sa mort en tétant au sein des jeunes mères.
    J’avais entendu parler de cela, bien entendu. Qui à Rome n’était pas au courant ? La ville se vautre dans la rumeur ; c’est notre gymnastique, notre divertissement, notre outil, notre arme. Parfois, cela semble même être notre raison de vivre.
    Mais Ben Eliezer n’en avait pas terminé.
    — Depuis peu, Innocent est persuadé que le lait maternel ne suffit plus. Il a besoin de sang, et en particulier du sang de jeunes garçons.
    J’aimerais pouvoir vous dire que je fus choquée d’entendre cela, mais ce serait mentir. Les gens sont prêts à beaucoup de choses s’ils pensent que cela peut les aider à tromper la mort. Et plus ils sont puissants, plus les moyens auxquels ils ont recours sont bizarres. Moi-même j’en ai connu qui dînaient du placenta d’un nouveau-né, ingéraient de l’or et se lançaient dans toutes sortes d’entreprises extravagantes, dont certaines, je suis sûre, ne faisaient au final qu’avancer l’heure de leur mort.
    — Connais-tu l’école des cantoretti , au Vatican ? demanda Sofia.
    J’avais entendu dire des choses sur ce lieu, comme tout le monde. On racontait que les chefs de chœur du Vatican avaient adopté la pratique byzantine de castrer les garçons les plus prometteurs. La voix de ces castrats restait ainsi extraordinairement pure et souple, et l’on qualifiait leur chant de musique des anges.
    Cette pratique était sujette à controverse, étant à la fois étrangère (puisque en vogue chez les musulmans) et en violation de la volonté de Dieu, qui souhaitait nous voir nous multiplier. En outre, cette idée à elle seule remplit d’une terreur viscérale la

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