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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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mon agression. Une fois de plus, personne ne me vit.
    Pour rester dans le ton de mon déguisement, je pris garde de me mouvoir avec ce mélange de suffisance et de maladresse presque touchante qui semble caractériser le passage de l’homme jeune en ce bas monde. Fort heureusement, cela ne m’était point trop difficile. Mon père n’avait fait que le plus vague des efforts pour m’inculquer la grâce que l’on associe généralement à une dame, ce dont je lui suis profondément reconnaissante. À plusieurs reprises je regardai par-dessus mon épaule, mais n’eus jamais la sensation d’être suivie. Le temps que j’atteigne le Campo dei Fiori, mes côtes avaient recommencé à m’élancer et j’étais heureuse de pouvoir ralentir la cadence.
    J’étais également complètement affamée. Réticente à l’idée d’arriver chez Rocco dans un tel état, je m’arrêtai en chemin pour acheter du pain frais et du raisin, et fus récompensée en constatant que les marchandes regardèrent à peine dans ma direction avant de me rendre la monnaie et de me faire passer les paquets avec la rudesse dont elles auraient fait preuve pour un garçon. À mon arrivée dans la rue des verriers, j’avais déjà englouti un gros morceau de pain, et étais en train d’épousseter les miettes de ma tunique.
    Il était encore tôt et les échoppes ouvraient à peine. Rocco était en train de tendre la banne qui protégeait du soleil les tables sur lesquelles il exposait une petite sélection d’objets d’usage courant fabriqués de ses mains. Nando était en train de l’aider. Je passai la main dans les cheveux de l’enfant et tous deux me dirent bonjour.
    — Tu es devenue un garçon, Donna Francesca ? demanda Nando en pouffant.
    Je m’agenouillai pour être à sa hauteur et lui souris.
    — Je suis déguisée. C’est excitant, non ?
    Il fronça les sourcils d’un air indécis.
    — Comme pour une mascarade ?
    — En quelque sorte. Qu’en penses-tu, est-ce que j’ai l’air d’un garçon ?
    Nando hésita. D’après mon expérience, les enfants sont largement plus honnêtes que le plus intègre des adultes : c’est seulement parce qu’on les blâme trop souvent pour cela qu’ils apprennent à mentir.
    — Tu as l’air de… Donna Francesca, dit-il enfin.
    Je le gratifiai d’un soupir exagéré et me relevai. Se tenant à côté de moi, Rocco ne semblait pas surpris car ce n’était pas la première fois qu’il me voyait dans cet accoutrement. Il accepta les raisins et le pain que je lui tendis, souriant à la vue du morceau disparu, et me pressa d’entrer.
    — Voudras-tu du cidre ? demanda-t-il.
    L’heure étant un peu matinale pour le vin, j’acceptai. Bientôt nous fûmes réunis autour de la table, d’où l’on voyait le four rougeoyant. Rocco venait de commencer à attiser le feu en préparation de sa journée de travail. Ses cheveux noirs étaient ramenés en arrière et retenus par un bandeau sur le front. Je ne pus m’empêcher de regarder les muscles de ses bras que sa tunique en cuir laissait dénudés pendant qu’il s’affairait, versant à boire et disposant la nourriture sur la table.
    Il se tourna, vit que je l’observais et rougit.
    Lorsque Nando eut fini de boire, son père l’envoya jouer dehors en lui mettant quelques grains de raisin dans la main et en lui recommandant bien de ne pas s’éloigner. Il attendit que l’enfant referme la porte derrière lui pour demander :
    — Es-tu retournée au ghetto ?
    J’acquiesçai d’un signe de tête.
    — Je pense avoir trouvé ce à quoi mon père travaillait et pour quelle raison. Le Vatican projette de publier un édit papal expulsant tous les juifs de la chrétienté. Innocent ne l’a pas encore signé, mais cela ne saurait tarder.
    Le regard de Rocco s’assombrit. Il m’observa un long moment, tentant d’absorber ce que je lui apprenais. Le bannissement décidé par les souverains espagnols avait été suffisamment terrible comme cela, engendrant des dizaines de milliers de réfugiés dont beaucoup mouraient en ce moment même de famine et de maladie. Mais par combien allait être multipliée cette horreur, si le même sort était réservé à tous les juifs d’Europe ?
    — Où iraient-ils ? demanda-t-il.
    Je haussai les épaules.
    — Les Turcs en ont accueilli certains, mais je ne sais s’ils seraient prêts à en accepter davantage, et si oui, combien. De toute façon, cela n’aurait probablement plus

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