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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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l’écart pour me donner un peu d’intimité. Comme toujours, l’exercice n’eut rien de facile. Plus je tentai de me concentrer sur l’image de la sainte et la lumière tremblotante des cierges allumés pour elle, plus mes pensées vagabondaient. Je songeai à l’Espagnol et à l’homme à la médaille, à Borgia et à Innocent, aux juifs en général et à Sofia et David en particulier, sans oublier César, qui laissa ensuite place à Rocco. Vraiment, j’ai hérité d’un esprit des plus fantasques. J’étais une fois de plus en train de m’évertuer à l’orienter vers des pensées plus convenables lorsque revint la sensation d’être observée.
    Je restai un moment mains jointes et yeux levés vers la sainte, aux aguets. Je perçus le frôlement du tissu contre un banc derrière moi, sur la gauche. Une vague odeur de camphre et d’agrumes flottait dans l’air. En me concentrant plus encore, j’entendis quelqu’un en train de respirer.
    Alors je me relevai et me retournai d’un bond. Ce mouvement brusque faillit m’arracher un cri de douleur tant mes côtes protestèrent, mais je le ravalai, pour découvrir, face à moi, un ange.
    Je n’exagère pas. Ses traits étaient l’expression parfaite des canons de beauté masculins, nez droit, menton carré, haut front et pommettes saillantes. Ses grands yeux étaient d’un bleu azur ; sa chevelure, un halo de boucles dorées encadrant une tête aux proportions parfaites. En d’autres termes, il aurait séduit même la plus pure des vierges.
    Fort heureusement, je n’étais ni l’une ni l’autre – ce qui ne veut pas dire que je ne fus pas tentée.
    L’ange aux boucles dorées regarda de tous côtés avant de s’approcher de moi pour murmurer :
    — Signorina Giordano ?
    En me voyant hocher la tête (car je craignais de me trahir en parlant), il sourit. Cela me fit rater le début de sa phrase suivante, et je repris seulement mes esprits en l’entendant dire : « … dois vous parler mais pas ici, l’endroit n’est pas sûr. »
    — Mais alors où, père…
    Ai-je omis de vous dire que c’était un prêtre ? Car seuls eux portent la soutane noire, même s’ils sont rarement aussi virils que lui dedans. Et ils sont encore plus rares à honorer les vœux qu’ils prononcent au moment d’endosser leurs habits d’ecclésiastiques.
    — Morozzi, Bernando Morozzi. J’étais un ami de votre père. Sa mort… Que dire ? (Ses yeux s’embuèrent de larmes.) Je prie tous les jours pour lui.
    J’en eus le cœur serré. Je me faisais tant de souci pour l’âme de mon père qu’une profonde gratitude m’envahit.
    — Merci, mon père. C’est très gentil à vous.
    Je serais volontiers restée à parler avec lui indéfiniment, mais son état d’agitation (il jetait constamment des coups d’œil furtifs autour de lui) vint me rappeler la précarité de la situation.
    — Nous avons un ami en commun, annonça plein d’espoir le père Morozzi. Le verrier, le connaissez-vous ?
    — Oui, bien sûr… L’excitation s’empara soudain de moi. Si le prêtre considérait Rocco comme un ami, était-il possible qu’il fasse partie de ces hommes en quête de savoir, ces hommes prêts, disait-on, à risquer le châtiment de la sainte Église en agissant depuis l’intérieur même de sa plus grande forteresse ? Et s’il considérait également mon père comme un ami, était-ce faire preuve de vraiment trop d’imagination que d’espérer être en face de la personne que je cherchais ?
    — Retrouvez-moi à son échoppe demain, dans l’heure suivant les tierces, me signifia-t-il vivement. (Il fit un geste en direction de la nef, où mon escorte attendait patiemment sans se douter de ce qui se déroulait à quelques mètres de là.) Le Cardinal Borgia ne doit pas savoir que nous nous sommes parlé. M’en donnez-vous votre parole ?
    Sa prudence me paraissant à la fois raisonnable et nécessaire, j’y consentis.
    — Naturellement.
    Un bruit derrière moi me fit tourner la tête. Lorsque je me retournai, le prêtre avait disparu.
    Je restai agenouillée devant sainte Catherine quelques instants de plus, pour tenter de me calmer. Morozzi était venu me chercher – j’avais la certitude à présent que c’était lui qui m’avait suivie depuis le palazzo. Il n’aurait manifestement pas agi ainsi sans une très bonne raison. S’il était le contact de mon père à l’intérieur du Vatican, peut-être ne serait-il pas si difficile que

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