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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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tête. La brise fraîche qui répandait le parfum des champs de lavande, au sud de la ville, rendait plus supportable l’odeur fétide dont nous étions toujours imprégnés.
    Nous nous quittâmes devant le Panthéon. Je craignais pour la sécurité de Rocco et l’implorai de ne pas retourner à son échoppe, mais il balaya mon inquiétude d’un geste de la main.
    — Laisse donc Morozzi venir à moi, s’il l’ose, s’exclama-t-il. Cela le détournera suffisamment longtemps de toi pour que Borgia le mette en cage.
    Je n’aurais pas cru Rocco capable d’une telle bravade, lui qui était la force et la détermination incarnées. Je lui saisis la main et la serrai fort.
    — S’il te plaît, sois prudent. Jamais je ne me le pardonnerais, si…
    — Fais-moi prévenir en cas de problème, répliqua-t-il en serrant ma main en retour. Mais ne te tracasse pas pour moi.
    J’entendais lui répondre, mais inexplicablement, j’eus soudain la gorge serrée et les yeux qui me piquaient. Le temps que je trouve les mots, il était déjà en train de s’éloigner à la hâte. Puis il se retourna, une fois, et me vit en train de le regarder. Il sourit. J’en fis de même, mais il avait disparu, déjà.
    Crasseux et débraillés, David et moi nous frayâmes un chemin à travers la foule qui se pressait dans les rues, ce qui, grâce à l’odeur qui nous précédait, fut plus facile qu’à l’accoutumée. Plus d’un passant nous lança un regard interloqué avant de s’écarter pour nous laisser passer.
    Le temps que l’on atteigne le palazzo, j’avais plus ou moins élaboré un plan.
    — Il nous faut découvrir où se trouve Borgia en ce moment et ce qui se passe avec l’édit. Tu peux te cacher dans mon appartement pendant que je…
    David m’arrêta net en me touchant doucement le bras.
    — Je ne me cacherai nulle part, Francesca. Dès que je te sais en sécurité à l’intérieur du palazzo, je retourne au quartier juif.
    Je commençai par protester, mais il ne voulut rien savoir.
    — Si l’édit a été signé, il sera proclamé très vite. Une fois cela fait, nous serons attaqués comme les juifs d’Espagne l’ont été à peine l’ordre d’expulsion approuvé. Ils n’étaient pas prêts à se défendre, mais nous le sommes. (Son visage s’assombrit.) L’époque où l’on pouvait tuer les juifs sans en payer le prix est terminée.
    Je fus remplie d’effroi en l’entendant parler. Nous sommes tous des enfants de la Chute de l’Homme et certains, au lieu d’affronter leurs peurs, n’attendront toujours qu’une seule chose : s’en prendre à ceux qu’ils imaginent trop faibles pour se venger. Mais si ce que David promettait devenait réalité, les conséquences seraient terribles. Car peu importait le nombre de morts que ferait au final l’attaque du ghetto ; les chrétiens ne trouveraient le repos que lorsque tous les juifs de Rome seraient anéantis.
    — Tu dois comprendre que ce que tu as l’intention de faire a également un prix, lui dis-je.
    — Je le sais, nous mourrons. Mais si nous ne nous battons pas, la plupart d’entre nous mourront de toute façon. Et les survivants se retrouveront comme Rébecca, seuls face à la mort, dans un monde où l’on nous refuse même le droit d’exister. Mais si par notre sacrifice nous donnons à d’autres juifs, ailleurs, le courage de se soulever, ou même de faire que ceux qui sont tentés de nous attaquer y réfléchissent à deux fois, nous ne serons pas morts en vain.
    J’avais les yeux qui me brûlaient. J’osais à peine ouvrir la bouche, de peur de me trahir.
    — Les enfants… Benjamin… les autres ?
    Une tristesse insupportable envahit alors les yeux de David. Pendant un instant je crus avoir affaibli sa détermination, mais j’aurais dû savoir que c’était impossible. Quelle arrogance de ma part de ne pas comprendre que c’était une bataille qu’il avait déjà livrée en son âme et conscience, il y avait bien longtemps. Livrée et gagnée, pour terrible que fût le fardeau de cette victoire.
    — Pardonne-moi, dis-je avant qu’il n’ait le temps de répondre. Je n’ai aucun droit de penser que j’aurais fait mieux à ta place.
    Il sourit faiblement et me serra la main.
    — Tu es une femme surprenante, Francesca. Pour une empoisonneuse, tu tiens la vie en bien plus haute estime que d’autres qui jetteraient sans hésiter leur prochain dans les fosses de l’Enfer. Mais il ne faut pas désespérer. Si je n’ai

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