Francesca la Trahison des Borgia
nausée, comme je l’avais craint ; lentement mais calmement, mon rythme cardiaque revint à la normale. Je commençai à respirer plus facilement, et même à me sentir quelque peu soulagée. Ce n’était pas si horrible que cela, en fin de compte.
Tout de suite après, je songeai que Sofia, se souciant tellement de ma sécurité, avait peut-être par erreur rendu la potion inefficace. J’étais en train de me demander combien de temps j’allais attendre avant de décider que c’était bien le cas, et ce que je ferais en pareille éventualité, lorsque je sentis un léger picotement dans mes mains et mes pieds.
Était-ce mon imagination ? Visiblement non, car la sensation se propagea rapidement à mes membres inférieurs, puis à tout mon corps. Ce n’était pas douloureux, il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter — du moins jusqu’à ce que je tente de lever la tête et découvre que je n’y arrivais pas. Je tentai de bouger un doigt, puis un orteil, pour arriver au même résultat. J’étais paralysée.
La panique monta en moi mais je m’obligeai à me calmer, en me disant que j’aurais dû m’attendre à une telle réaction. Sauf qu’à la vérité je n’avais pas réfléchi à ce que cela me ferait d’être allongée sans défense aucune, incapable de bouger, pendant que la potion faisait son œuvre. Au bout de quelques minutes je sentis un grand froid s’abattre sur moi. Je voyais encore le mur en face de mon lit et la nuit par la fenêtre, et j’arrivais encore à cligner des yeux, mais mon champ de vision semblait se rétrécir davantage à chaque minute. Lorsque mes paupières se baissèrent et que je me trouvai soudain incapable de les rouvrir, je fus plongée dans une obscurité éclairée par d’étranges rais de lumière rouge qui semblait exister seulement dans mon esprit. Toutefois, malgré tout cela, je restai dans un état de conscience totale.
Lorsque je me rendis compte de cela, je fus saisie d’une terreur totalement déraisonnable et impossible à maîtriser. L’eussé-je pu, je me serais certainement débattue comme une forcenée pour tenter de fuir cet état. La paralysie me faisait l’effet d’un immense serpent s’enroulant autour de la moindre parcelle de mon corps et serrant. Je tentai de crier, mais découvris que j’étais désormais muette. Le seul moyen d’expression qu’il me restait était les larmes, qui coulèrent sur mes joues glaciales. C’est à peine si je les sentis m’effleurer. À présent qu’il était totalement coupé de mon corps, mon esprit était en effervescence. Des images saisissantes se mirent à défiler dans ma tête : je vis César à cheval, traversant au galop la place devant Saint-Pierre, avec tous ces effroyables souvenirs qu’elle évoquait encore pour moi ; puis Borgia enveloppé dans un drap, tout à coup vieux et tremblotant, tandis que La Bella se penchait au-dessus de lui langoureusement. Ensuite le monde s’évanouit et je me retrouvai à flotter au-dessus de la rue où mon père avait succombé. Il faisait nuit ; rien ne bougeait, hormis les rats qui décampèrent à mon approche. J’aperçus un homme au loin et tentai de l’appeler, mais en vain. Il se retourna quand même, et je vis alors que c’était Morozzi, et qu’il était en train de rire.
À ce moment-là j’entrai dans une pièce que je ne reconnaissais pas, mais qui pourtant me paraissait familière. Une petite fille était assise dans un lit. Elle tourna la tête vers moi et je me retrouvai soudain face à l’enfant que j’avais dû être. Puis soudain, des voix :
— Je ne sais plus quoi faire.
— Elle est possédée.
— Sortez ! Jamais je ne vous laisserai…
— C’est ma faute, Seigneur, ma très grande faute.
Une femme était en train de chanter très doucement et cet air me remplissait de joie, visiblement. Ma peur se volatilisa, et je tendis les bras pour qu’elle me prenne. Je sentis son souffle contre ma joue, et entendis les paroles de sa chanson :
Luciole, luciole, brillant au firmament
Mets la bride à la jument,
Car la veut mon enfant, mon roi,
Luciole, luciole, viens avec moi.
— Encore, mamma, chante encore.
Luciole, luciole, brillant au firmament…
— Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du Paradis et de la Terre, de l’Univers visible et invisible. Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les
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