Frontenac_T1
humiliations subies depuis des semaines aux mains dâun Frontenac triomphant et au faîte de son arrogance.
Lâintendant était peut-être, de tous ceux qui avaient craint le retour de Frontenac, celui qui avait le plus à sâen mordre les pouces. Pendant toute lâadministration précédente, Champigny et Denonville avaient travaillé de concert et sâétaient entendus comme larrons en foire, au grand soulagement de la cour, qui ne pouvait plus supporter lâécho tapageur des chicanes portées à son attention tout au long des dix années de lâadministration Frontenac. Car tout avait été sujet à querelle et le gouverneur avait réussi le tour de force de sâattirer à la fois lâinimitié de lâévêque et de presque tout le clergé, de lâintendant Duchesneau et de la plupart des membres du conseil souverain, au point de forcer le roi, excédé dâavoir à gérer de perpétuels conflits, à exiger son rappel.
Frontenac étant maintenant de retour, tracasseries et querelles de préséance reprenaient de plus belle. Champigny, à qui le roi avait expressément recommandé dâuser de souplesse dans ses relations avec le nouveau gouverneur, nâen pouvait plus. Il rendait les armes.
Faites ce que vous pourrez. Moi, je ne veux plus en entendre parler. Je mâen lave les mains , avait fait porter Champigny comme message à dâAuteuil, une fois sa colère tombée.
La plaisanterie avait trop duré. Frontenac boudait le conseil souverain. Ses lettres patentes avaient dûment été enregistrées et trois mois plus tard, il refusait toujours de le présider, sous prétexte quâon ne lâavait pas invité à y siéger dans les formes. Avec pour résultat que le travail du conseil sâen trouvait ralenti, sans que cela ait semblé le moins du monde lâémouvoir. Champigny avait pourtant incité le procureur général à y aller avec des gants blancs, mais aucune des démarches entreprises jusquâà ce jour nâavait donné de résultats.
DâAuteuil sâétait dâabord présenté aux appartements du château, quelques jours après lâarrivée du gouverneur, et lâavait formellement invité, au nom de lâintendant et du conseil, à venir siéger. Frontenac, bourru, avait répondu quâon pouvait se passer de lui et quâil nây viendrait que lorsque le service du roi le requerrait. Après consultation, les conseillers, qui sâétaient assez frottés par le passé au comte pour connaître son goût démesuré pour la pompe et la magnificence, avaient décidé dây retourner pour sâenquérir du type de cérémonie souhaité.
â Mais vous mâétonnez, messieurs, leur avait servi Frontenac comme réponse. Il me semble que vous devriez être plus au fait du protocole. Câest à vous de mâen proposer la forme. Revenez mâen faire part et je prendrai cela en considération.
Le premier conseiller, Louis Rouer de Villeray, avait été chargé de soumettre une nouvelle proposition qui avait été balayée dâun revers de main.
â Vous devriez consulter monseigneur de Saint-Vallier ou quelque autre personne versée dans ce genre de choses. Informez-vous de la façon dont le Parlement de Paris a reçu Louis XIV quand il a tenu son premier lit de justice, avait répondu le gouverneur avec componction.
Villeray en avait eu les jambes sciées. Mais câest quâil se prenait pour le roi lui-même! On sâétait tout de même hâté de consulter lâévêque qui, flairant le guêpier, avait plaidé lâignorance. Il était hors de question quâil fournisse au gouverneur la moindre occasion de reprendre ses menées belliqueuses contre le clergé. Après un nouveau débat, Villeray avait été délégué pour présenter des propositions plus élaborées auxquelles Frontenac avait paru sensible. Il avait néanmoins objecté :
â Vous me parlez de ma première visite au conseil, fort bien, mais quâavez-vous prévu lors des séances ultérieures?
Et les conseillers avaient dû refaire leurs devoirs pour accoucher enfin dâun cérémonial qui tenait à ceci : quatre conseillers étaient
Weitere Kostenlose Bücher