Frontenac_T1
elles avaient voix au chapitre par lâintermédiaire de leur conseil. Les victoires répétées des Iroquois depuis le massacre de Lachine avaient fait croire à certains que la Nouvelle-France était aux abois et sur le point de se rendre. Mais la nouvelle du retour du comte de Frontenac inquiétait. On savait le vieux militaire particulièrement pugnace et vindicatif quand il le fallait. Aussi était-ce avec un mélange de curiosité et de circonspection que lâon attendait les propositions de son délégué.
Quand il fut temps pour lui de sâexprimer, Nez Coupé se leva, se campa solidement sur ses jambes et prit la parole :
â Oureouaré, le grand capitaine goyogouin sorti vivant des galères et ramené à Québec par le comte de Frontenac, a un message à vous transmettre par ma bouche, déclara-t-il.
Des exclamations de joie ponctuèrent ces propos. On se réjouissait de savoir Oureouaré toujours en vie et bien portant, surtout du côté de la délégation dont il était issu.
â Pour donner crédibilité à ses paroles, voici ce quâil vous remet.
Et lâhomme exhiba sept magnifiques wampums tramés de perles noires et blanches et les offrit aux principaux chefs. Les porcelaines circulèrent de main en main, afin que chacun puisse les soupeser et les admirer. Après quâon les eut suspendues sur la corde dressée au centre de la cabane, le silence se fit à nouveau.
â Par ces colliers, continua Nez Coupé, Oureouaré vous demande dâécouter avec le cÅur les paroles du comte de Frontenac, Onontio * , qui est revenu à la tête du pays. Le grand capitaine des Français est aujourdâhui son ami, et il vous assure que ce dernier éprouve encore un reste de tendresse à lâégard de votre nation.
Quelques murmures dâincrédulité sâélevèrent parmi lâassistance. Les délégués nâétaient pas dupes des tractations entamées par le comte de Frontenac. Après tous les villages brûlés et détruits, les morts et les prisonniers faits chez les Français depuis des mois, ils ne pouvaient que sâétonner des sentiments dâaffection quâOnontio disait ressentir à leur égard. Mais ils attendaient ce que le gouverneur général avait à leur proposer et étaient curieux de voir leurs frères des autres cantons sâexprimer sur la question.
â Voilà qui est bien dit! fit un chef pour encourager lâorateur à continuer. Lâhomme avait grande allure et semblait exercer de lâascendant sur son entourage.
â Onontio nâen veut pas à ses enfants iroquois, reprit lâémissaire, malgré ce quâils ont fait et font encore subir chaque jour aux Français, parce quâils ont été poussés contre eux par la fourberie des Anglais. Onontio vous propose de fumer le calumet et dâallumer le feu des bonnes affaires à Fort Cataracoui, au prochain temps des fruits mûrs. Enterrez la hache de guerre, vous exhorte-t-il, aplanissez les chemins et venez planter avec lui lâarbre de paix. Pour montrer sa bonne volonté, il vous remet trois prisonniers ramenés des galères, et il vous promet de vous rendre les neuf autres à Fort Cataracoui. Mais si vous continuez la guerre, il jure quâil nâhésitera pas à brandir à nouveau le glaive et le feu. Il a ramené avec lui beaucoup de guerriers armés jusquâaux dents, qui nâattendent quâun geste de lui pour fondre sur vos villages. Il vous conseille de vous rendre à ses désirs si vous souhaitez voir vos fils et vos petits-fils prospérer en paix sur vos terres.
Après une pause de courte durée où il put observer quâon lâécoutait avec attention, le délégué reprit la parole :
â Oureouaré ajoute, pour sa part, que le roi des Français qui vit au-delà des mers est plus puissant que jamais et dispose de milliers de guerriers, de forteresses flottantes et dâarmes capables de vous anéantir tous. Il dit avoir vu sa grandeur de ses propres yeux et en avoir tremblé. Pour conserver votre pays et continuer à y vivre encore longtemps, il vous implore dâaccepter cette paix. Il dit aussi quâil reviendra parmi vous si vous lâenvoyez chercher. Voilà son message.
Nez Coupé fit
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