Furia Azteca
de chutes de pierres, mais vous connaissez
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l'ignorance de ces étrangers... Pourquoi me parlez-vous de ça ? Avez-vous entendu des bruits bizarres ?
- C'est Dix qui en a parlé dans son sommeil ; il devait délirer. J'ai peur qu'il ne soit plus malade que nous le pensons. "
Aussi, sans tenir compte de ses protestations, nous nous partage‚mes la charge de Dix, en ne lui laissant que la peau du lion des montagnes à
porter. Il marchait mieux ainsi, mais souvent je voyais qu'il était pris de frissons quand il serrait la vieille peau raidie autour de lui ; puis, quand la fièvre le reprenait, il écartait la fourrure et ouvrait même ses vêtements à l'air glacé des hauteurs. quand il ne toussait pas, on l'entendait respirer avec un r‚le inquiétant et ses crachats sentaient affreusement mauvais.
Nous escalad‚mes une très haute montagne et, en arrivant au sommet, nous vîmes que notre chemin s'interrompait car nous venions d'arriver au bord d'un immense canon qui s'étendait à perte de vue vers le sud et vers le nord. Je n'ai jamais vu de gorge plus vertigineuse. On aurait dit une crevasse taillée dans la montagne par un dieu en colère qui aurait jailli des cieux, en brandissant de toutes ses forces divines un macquauitl également divin. C'était une vision à couper le souffle, magnifique et effrayante à la fois. L'endroit o˘ nous étions était balayé par un vent glacé, mais on se rendait compte qu'il ne pénétrait jamais dans le canon, car ses murailles rocheuses, presque à pic, étaient semées de fleurs grimpantes bigarrées. Tout en bas, il y avait des forêts d'arbres en fleur, de douces prairies et une coulée argentée qui nous sembla n'être qu'un petit ruisseau.
Nous ne tent‚mes pas de descendre vers ces profondeurs alléchantes et nous suivîmes le bord du canon vers le sud jusqu'au moment o˘ il commença peu à
peu à s'abaisser. A la tombée de la nuit, nous étions arrivés au niveau du
" ruisseau ", qui, en fait, mesurait facilement cent pas d'homme d'une berge à l'autre. J'appris par la suite que c'était le Chiapa, le plus large, le plus profond et le plus rapide de tous les fleuves du Monde Unique. Les gorges qu'il a creusées dans la montagne sont, elles aussi, uniques chez nous. Elles ont cinq longues courses 430
de longueur et une demi-longue course de hauteur à l'endroit le plus profond.
Nous nous trouvions sur un plateau o˘ il faisait plus doux et o˘ le vent soufflait moins fort. Il y avait un village misérable qui s'appelait Toztl
‚n et qui était à peine assez grand pour avoir un nom. Pour tout repas, ses habitants ne purent nous donner qu'un hachis de hibou dont le seul souvenir me donne encore la nausée. Toutefois, il y avait une hutte assez grande pour nous contenir tous et nous p˚mes dormir à l'abri, pour la première fois depuis plusieurs nuits. Parmi la population, se trouvait un médecin de sorts.
" Je soigne seulement avec des plantes ", nous dit-il, comme pour s'excuser, dans un nahuatl approximatif. Après avoir examiné Dix, il déclara : " Je vais lui donner une purge, c'est tout ce que je peux faire.
Mais quand vous serez à Chiapa, vous trouverez plusieurs grands médecins du pouls. "
J'ignorais ce que pouvaient être ces médecins du pouls et je ne pouvais qu'espérer qu'ils obtiendraient de meilleurs résultats que la médecine par les plantes. Avant d'arriver à Chiapa, Dix s'évanouit par deux fois et il fallut le mettre dans la peau de puma qu'il avait si longtemps traînée lui-même. Nous nous relay‚mes par équipes de quatre pour porter cette civière improvisée, en la tenant par les pattes. Dix était très agité et entre deux quintes de toux, il se plaignait que plusieurs binki-zaka étaient assis sur sa poitrine et l'empêchaient de respirer.
" Regardez, il y en a même un qui est en train de me ronger ", nous dit-il en nous montrant sa main à l'endroit o˘ le malheureux lapin l'avait mordu.
La morsure s'était infectée en une plaie ouverte, pour une raison inconnue.
Nous lui assur‚mes que personne n'était assis sur lui, que rien ne le grignotait et qu'il se sentait oppressé uniquement à cause de l'air raréfié
du haut plateau. Nous avions, nous aussi, du mal à respirer et nous d˚mes nous relayer souvent pour le porter.
Chiapa n'avait rien d'une capitale. Ce n'était qu'un village de plus situé
sur les bords d'un affluent du Chiapa et qui n'avait le titre de capitale que parce que
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c'était
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