Furia Azteca
été mordu ou piqué par une bête venimeuse.
Il me dit avoir mangé exactement comme nous tous et que le seul animal qu'il
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e˚t approché était de l'espèce la plus inoffensive. Sept ou huit jours auparavant, il avait attrapé un lapin pour le repas du soir, mais celui-ci lui avait échappé et l'avait mordu ; il me fit voir la marque des petites dents acérées sur sa main, puis se détourna brusquement pour vomir.
Cozcatl, Gourmand de Sang et moi, étions très attristés de le voir dans cet état, car nous l'aimions bien. De tous nos porteurs, il était le plus docile et le plus courageux ; il nous avait loyalement aidés à nous défaire des bandits Tya Nuii et c'est lui qui se dévouait le plus souvent pour cette corvée si peu masculine qui consiste à faire la cuisine. Il était le plus fort de tous nos esclaves et depuis la vente de quatre, c'était toujours lui qui portait la plus lourde charge. C'était encore lui qui avait accepté, sans mot dire, la peau raide et nauséabonde du puma et, d'ailleurs, il l'avait toujours sur lui, car Gourmand de Sang refusait toujours de s'en débarrasser.
Tout le monde fit halte, mais ce fut Dix lui-même qui se remit debout le premier. Je lui palpai le front et il me sembla que la fièvre était tombée.
Je regardai plus attentivement sa figure brun foncé et je lui dis : " Je te connais depuis plus d'un faisceau de jours et c'est seulement maintenant que je réalise que tu viens du pays des Chiapa, n'est-ce-pas ?
- Oui, maître, me répondit-il d'une voix faible. Je suis natif de la capitale et c'est pour cela que je voudrais y arriver le plus vite possible ; j'espère que vous aurez la bonté de me revendre. "
A ces mots, il rechargea son ballot sur son dos et rattacha la sangle autour de sa tête et tout le monde se remit en marche. Mais quand vint le crépuscule, il vacillait à faire pitié. Il insista pourtant pour continuer à marcher en refusant toutes propositions de s'arrêter ou d'être allégé
d'une partie de soa fardeau. Il n'accepta de le déposer qu'après avoir trouvé une vallée abritée du vent, avec une croix indiquant la présence d'une source glacée o˘ nous install‚mes notre campement.
" II y a longtemps que nous n'avons pas tué de gibier, remarqua Gourmand de Sang, et nous n'avons plus de chiens. Dix a besoin d'une nourriture fraîche et substantielle à la place d'atolli et de ces haricots venteux. que 428
Trois et Six commencent à préparer le feu ; c'est si long que j'aurai bien le temps d'attraper quelque chose en attendant. "
II coupa une tige verte et flexible, en fit un cercle, y fixa un morceau de chiffon usé pour en faire un filet rudimentaire et partit exercer ses talents dans le ruisseau. Il revint au bout d'un moment en disant : "
Cozcatl aurait pu le faire. Ils sont tout engourdis par le froid. " II exhiba un amas de poissons d'un vert argenté, pas plus longs qu'un bras et pas plus gros qu'un doigt, mais en quantité suffisante pour remplir notre marmite. Ils ne me disaient pas grand-chose et je fis part de mes craintes à Gourmand de Sang.
Il balaya mes objections : " Peu importe qu'ils soient laids, je suis s˚r qu'ils sont très bons.
- Ils n'ont pas l'air normal, remarqua Cozcatl. Ils ont quatre yeux.
- Oui, ils sont très malins, ces poissons. Ils se placent juste sous la surface de l'eau et avec leurs yeux supérieurs, ils guettent les insectes qui sont en l'air, tandis qu'ils sont à l'aff˚t d'une proie qui leur passerait dessous, avec leurs yeux inférieurs. Ils vont peut-être communiquer à ce pauvre Dix un peu de leur vivacité. "
Ils lui en donnèrent, en tout cas, suffisamment pour l'empêcher de dormir.
Je l'entendis plusieurs fois, pendant la nuit, tousser, cracher, se débattre et murmurer des paroles incohérentes. Je parvins à distinguer à
plusieurs reprises le mot " binkizaka " et le matin, je pris à part Gourmand de Sang pour lui demander s'il savait ce que cela voulait dire.
" Oui, c'est l'un des rares mots étrangers que je connaisse, me répondit-il d'un air suffisant. Les binkizaka sont des êtres mi-homme, mi-animal qui^
hantent les cimes. Ce sont, paraît-il, les rejetons hideux et repoussants des femmes qui se sont accouplées avec des jaguars ou des singes, par exemple. quand il n'y a pas d'orage et qu'on entend des bruits de tonnerre, les gens disent que ce sont les binkizaka qui font des leurs. Pour ma part, je crois plutôt qu'il s'agit de glissements de terrain ou
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