Furia Azteca
après avoir su que sa femme l'avait trompé, Cozcatl serait peut-être resté pour avoir l'enfant - pour être un père pendant un moment, comme il me l'avait dit - si cet enfant avait été de moi. Mais sa femme l'avait trahi avec un étranger et il n'avait aucune envie, ni aucune raison de retarder l'inévitable. Alors, il était parti et s'était fait embrocher par une lance texcalteca.
J'éprouvais plus que du chagrin d'avoir perdu mon ami Cozcatl. Je m'étais occupé de lui pendant une grande partie de sa vie depuis qu'il était devenu mon petit esclave à Texcoco. Déjà, à cette époque, j'avais failli causer sa perte en le compromettant dans ma vengeance contre Seigneur Joie. Plus tard, il avait perdu sa virilité en essayant de me protéger contre Chimali.
C'est parce que j'avais demandé à quequelmîqui d'être une mère pour Cocôton qu'elle avait si ardemment souhaité la maternité, et seules les circonstances m'avaient empê-. ché de commettre l'adultère et non ma loyauté et mon honnêteté envers Cozcatl. Là encore, je lui avais fait du tort. Si j'avais fécondé sa femme, il aurait peut-être vécu encore un moment et même été heureux en attendant que les dieux finissent de le manger...
En réfléchissant à toutes ces choses, je me suis souvent demandé pourquoi Cozcatl m'appelait son ami.
Pendant quelques mois, la veuve de Cozcatl assura la direction de l'école.
Puis, elle arriva à terme et accoucha de son maudit b‚tard. Maudit, c'est bien le mot, car elle mit au monde un enfant mort-né. Je ne sais même plus de quel sexe il était. quand quequelmîqui put se lever, elle quitta Tenochtitl‚n, comme Cozcatl, et ne revint jamais. L'école se trouva plongée dans une grande perturbation et les professeurs qui n'étaient plus payés 731
menacèrent de partir. Motecuzoma, irrité par l'idée de voir ses domestiques lui revenir à moitié formés, décréta sa confiscation. Il plaça à sa tête des prêtres-professeurs recrutés dans un calmecac et l'école continua à
exister aussi longtemps que la ville de Tenochtitl‚n.
C'est vers cette époque que ma fille atteignit sa septième année et tout le monde cessa de l'appeler Cocôton. Api es bien des délibérations et des hésitations, je choisis d'ajouter au nom de son jour de naissance, Une Herbe, le nom d'adulte Zyanya-Nochipa, Toujours Toujours, deux fois répété
dans la langue maternelle de sa mère et en nahuatî.
Pour célébrer ce jour, j'avais préparé avec Béu une grande fête o˘ furent invités tous les camarades de ma fille avec leurs parents. Auparavant, il avait fallu aller faire inscrire son nom sur le registre des habitants de la ville. Comme Zyanya-Nochipa était la fille d'un Chevalier-Aigle, nous nous adress‚mes au tonalpouhqui du palais qui gardait le registre des citoyens d'élite et non à celui qui tenait le compte des sujets ordinaires.
Le vieux fonctionnaire grommela :
" C'est mon devoir et mon privilège de consulter le tonalamatl divinatoire et d'utiliser mes dons d'interprétation pour choisir le nom de l'enfant. O˘
va-t-on si les parents se mettent à me dire comment il faut l'appeler ? qui plus est, Seigneur Chevalier, vous voulez donner à cette pauvre petite deux noms qui ont la même signification et aucun d'eux ne désigne une chose. Ne pourriez-vous pas au moins l'appeler Toujours Diamantée, par exemple ?
-> Non, lui dis-je fermement. Ce sera Toujours Toujours.
- Et pourquoi pas Jamais Jamais ? répliqua-t-il, exaspéré. Comment voulez-vous que je trace sur le registre des symboles de mots abstraits ? Comment puis-je dessiner des sons sans signification ?
- Mais si, ils ont un sens. Voyez-vous, Seigneur
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Tonalpouhqui, j'ai pensé à cette objection et j'ai quelque chose à vous proposer. J'étais scribe autrefois. "
Je lui montrai le dessin que j'avais fait : une main tenant une flèche sur laquelle était perché un papillon. Il lut à haute voix les mots flèche, main, papillon, noma, chichiquili, papalotl.
" Ah, je vois que vous connaissez cette façon si commode de décrire une chose par les seuls sons. En effet, le premier son de ces trois mots donnent bien no-chi-pa. Toujours. "
II semblait lui en co˚ter de me manifester son admiration et je compris que le vieux sage craignait qu'une partie de ses honoraires lui file sous le nez, puisqu'il n'avait plus qu'un travail de copie à faire. Je lui donnai assez de poudre d'or pour payer plusieurs nuits et plusieurs
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