Furia Azteca
journées de recherches dans ses livres divinatoires et après cela il cessa de grogner et se mit avec ardeur au travail. Il peignit les symboles sur son registre avec bien plus de roseaux et de pinceaux qu'il n'en fallait : le point et la touffe d'herbe, puis les symboles que j'avais trouvés, répétés deux fois.
Désormais, ma fille s'appelait Ce-Malinali Zyanya-Nochipa, et plus familièrement, Nochipa.
Au moment o˘ Motecuzoma monta sur le trône, Tenochtitl‚n ne s'était que partiellement relevée de ses ruines. Plusieurs milliers de ses habitants vivaient encore entassés chez des parents qui avaient eu la chance de conserver un toit ou dans des cabanes construites avec des décombres ou avec des feuilles de maguey rapportées de la terre ferme, ou, plus misérablement encore, dans des canoÎs amarrés aux jetées de la ville. Il fallut encore deux années avant que la reconstruction de la ville soit complètement achevée, sous la gouverne de Motecuzoma.
Il en profita pour se faire b‚tir un magnifique palais sur la berge d'un canal, à l'extrémité sud du Cour du Monde Unique. C'était le palais le plus grand, le plus luxueux et le mieux aménagé qui ait jamais existé dans tout le Monde Unique. Il était plus vaste que le palais de ville et toutes les résidences de campagne de Neza-hualpilli réunis. Motecuzoma, décidé à
surpasser celui-
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ci en tout, se fit construire aussi une élégante demeure des champs, aux environs de cette jolie ville de montagne de Cuauhn‚huac dont je vous ai souvent parlé. Si vous êtes allés rendre visite à votre capitaine général Cortés, qui s'est attribué ce palais comme résidence personnelle, vous avez pu voir, Seigneurs Frères, que ces jardins sont les plus étendus, les plus beaux et les plus variés qui soient.
La reconstruction de Tenochtitl‚n aurait pu être plus rapide, et toutes les possessions des Mexica prospérer davantage, si Motecuzoma n'avait pas entrepris guerre sur guerre, et parfois même deux à la fois, du jour o˘ il était monté sur le trône. Il avait immédiatement lancé une attaque contre ce pays si souvent assiégé, mais si opini‚tre qu'était Texcala ; mais ceci n'avait rien de surprenant. En effet, tout Orateur Vénéré nouvellement installé avait toujours inauguré son règne de la sorte et, par sa proximité
et son hostilité permanente, ce pays faisait une cible toute désignée, même si sa conquête ne présentait pas une bien grande utilité.
Cependant, notre Orateur Vénéré ne se consacrait pas uniquement à la politique extérieure. quand il ne complotait pas une nouvelle guerre, il restait dans son palais à se mettre martel en tête à cause de la grande pyramide. Si cela vous semble extravagant, mes révérends, je puis vous assurer qu'il en était de même pour la plupart de ses sujets. Motecuzoma était obsédé par un " défaut " qu'il avait découvert dans l'édifice. En effet, deux jours par an, au printemps et à l'automne, quand la nuit et le jour ont exactement la même durée, le monument projetait une ombre réduite, mais manifeste, en plein midi. D'après lui, le temple n'aurait d˚ faire aucune ombre à ces moments de l'année et cela voulait donc dire que la grande pyramide déviait légèrement - d'un doigt ou deux à peine - de l'axe qu'elle aurait d˚ avoir par rapport à la position de Tonatiuh dans le ciel.
Cela faisait pourtant plus de dix-neuf années, à compter du jour de son achèvement et de sa consécration et plus de cent ans, depuis le moment o˘
Motecuzoma l'Ancien avait entrepris sa construction, que la grande pyramide était sagement en place. Mais voilà, Motecu-734
zoma était fort marri de constater qu'elle n'était pas tout à fait dans l'axe et souvent, on le voyait considérer l'édifice d'un air morose. Le seul moyen de remédier à l'erreur aurait été de tout démolir et de la reconstruire ensuite, et je crois bien qu'il s'y serait décidé s'il n'avait pas eu d'autres chats à fouetter.
En effet, c'est à cette époque que se produisit une série de présages alarmants dont tout le monde est maintenant persuadé qu'ils annonçaient la chute des Mexica, l'anéantissement de toutes les civilisations qui avaient fleuri sur ces terres, la mort de nos dieux et la fin du Monde Unique.
Un jour, vers la fin de l'année Un Lapin, un page du palais vint me chercher pour que je me présente sans délai devant le Uey tlatoani. Je mentionne le nom de l'année, parce
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