Furia Azteca
genre d'exécution pouvait laisser pour seuls stigmates des yeux fixes et une bouche hurlant silencieusement.
" On est venu pour l'emporter ", conclut le veuf. Il me posa une main amicale sur l'épaule. " On va s'en occuper ; ensuite, peut-être voudrez-vous partager notre repas au campement ?
- Avec plaisir ", répondis-je.
L'homme s'approcha de sa femme et la déplaça en la tirant vers le haut avec beaucoup de difficulté. J'entendis un effrayant bruit d'arrachement, et l'homme la dégagea du pieu sur lequel elle était empalée.
Les neuf hommes me conduisirent ensuite jusqu'à leur campement et ils me traitèrent très courtoisement. Ils procédèrent à une fouille minutieuse de mes affaires, mais ils ne me prirent rien, pas même mon petit pécule de numéraire de cuivre. Je pense toutefois qu'ils se seraient sans doute comportés différemment s'ils avaient
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trouvé des objets de valeur. Après tout, c'étaient des Chichimeca.
Les Mexica ont toujours prononcé ce nom avec mépris, dérision ou même avec haine, de la même façon que les Espagnols parlent des " barbares " et des "
sauvages ". Ce nom vient de chichime, un mot qui veut dire chien et il regroupe toutes les peuplades de ce Peuple Chien chez lequel je venais d'arriver, toutes ces tribus errantes et sordides qui habitent dans le désert, au nord du territoire des Otomi. (C'est pourquoi, dix ans auparavant, j'avais été si vexé que les Tarahumara, Pieds Agiles, m'aient pris pour un Chichimeca.) Cependant, je dois dire qu'après avoir parcouru ces déserts pendant près d'une année, je n'ai trouvé aucune tribu supérieure ou inférieure aux autres. Elles étaient toutes aussi ignorantes, sauvages et cruelles, mais je crois que c'est la faute de ce désert inhumain.
Ces gens vivaient dans une saleté qui auraient écouré un homme civilisé ou un Chrétien. Ils n'avaient ni maison, ni occupation fixe, car ils vagabondaient éternellement à la recherche de la maigre pitance qu'ils arrachaient au désert. Lés tribus chichimeca parmi lesquelles j'ai séjourné
parlaient toutes le nahuatl ou un dialecte dérivé, mais elles ignoraient l'écriture ou toute autre forme de connaissance et certaines de leurs coutumes étaient franchement abominables. Cependant, il faut dire à leur décharge que les Chichimeca ont su s'adapter admirablement à ce désert, ce que bien peu d'hommes civilisés auraient été capables de faire.
Pendant mon séjour chez les tribus chichimeca, j'ai toujours veillé à ne jamais badiner avec leurs femmes, à ne manquer à aucune de leurs lois et à
ne les offenser en aucune façon, aussi m'ont-ils toujours traité comme un des leurs. Jamais, je n'ai été volé ou maltraité et ils m'ont toujours fait partager leur maigre chère et le peu d'agréments qu'ils arrivaient à
arracher au désert.
La seule chose que je leur aie jamais demandée, c'était ce qu'ils savaient des Azteca, de leur périple et des éventuelles réserves qu'ils auraient enterrées en chemin. Tous me dirent :
" Oui, une tribu a traversé ce pays autrefois, mais 799
nous ignorons tout d'elle, sauf qu'elle n'avait rien apporté et qu'elle n'a rien laissé derrière elle. "
Un jour, le deuxième été que je passais dans ce désert maudit, ma question reçut une réponse légèrement différente. Je suivais alors la tribu mapimi qui errait dans la région la plus chaude, la plus sèche et la plus sinistre de toutes celles que j'avais traversées jusque-là. Je m'étais avancé si loin au nord des terres habitées que je rne demandais comment le désert pouvait encore continuer. Et pourtant, les Mapimi m'avaient affirmé qu'il s'étendait encore sur des espaces infinis. Cette information m'avait profondément déprimé et c'est sur un ton las et désabusé que je posai à
l'un d'eux ma sempiternelle question sur les Azteca.
" Oui, me répondit-il. Cette tribu a bien existé et elle a fait ce voyage dont vous parlez. Mais elle n'a rien apporté avec elle et...
- Et, achevai-je d'une voitf aigre, elle n'a rien laissé derrière elle.
- Sauf nous ", fit-il.
Ces paroles mirent un certain temps à m'atteindre, tant était grand mon abattement, mais soudain, je me réveillai et je le regardai avec stupéfaction. Il me fit un sourire édenté. Il s'appelait Patzcatl et c'était le chef des Mapimi. Il était très vieux, tout ratatiné et desséché
par le soleil.
" Vous avez dit que les Azteca venaient d'un pays inconnu nommé Aztl‚n et
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