Furia Azteca
sable. Elle avait d˚
effectivement crier, mais maintenant, elle était morte, les yeux et la bouche béants. Elle avait les jambes écartées et les mains posées à plat sur le sol comme si elle avait fait des efforts désespérés pour se relever.
Je t‚tai son épaule poussiéreuse ; la chair était encore souple et tiède.
Elle n'était pas morte depuis bien longtemps. Elle ne présentait aucun signe de maladie, ni aucune blessure et je me demandais de quoi elle avait bien pu mourir.
J'avais pris l'habitude de parler tout seul, par manque de compagnie et je me mis à bougonner :
" Ce désert est vraiment maudit des dieux. J'ai la chance de rencontrer un être humain qui est peut-être le seul dans toute cette solitude et une femme par-dessus le marché. Et voilà qu'elle est morte. Si j'étais arrivé
un peu plus tôt, elle aurait sans doute accepté avec plaisir de profiter de ma couverture et de mes petites attentions. Maintenant, la seule attention que je puisse lui témoigner, c'est de l'enterrer avant que les vautours ne rappliquent. "
"Je posai mon sac et ma gourde et entrepris de faire un trou dans le sable avec mon macquauitl. Il me sembla voir un reproche dans ses yeux, aussi je pensai que je pourrais l'allonger pendant que je creusais sa tombe. Je la pris par les épaules pour la mettre sur le dos, mais, 796
oh ! surprise ! elle résista à tout prix. Ses muscles ne s'étaient pourtant pas encore raidis.
Je reculai d'un pas, pour considérer ce cadavre si bizarrement têtu et soudain, je reçus un coup violent entre les omoplates. Je me retournai vivement pour me voir entouré par un demi-cercle de flèches pointées sur moi. Les hommes qui tenaient les arcs me regardaient méchamment. Ils n'avaient pour tout vêtement qu'un pagne de cuir graisseux et déchiré, une couche de crasse sur tout le corps et quelques plumes dans leurs cheveux embroussaillés. Ils étaient neuf. Tout occupé par ma singulière découverte, je ne les avais pas entendus arriver, pourtant j'aurais d˚ les sentir car ils puaient dix fois plus que la morte.
Les Chichimeca ! pensai-je et peut-être même l'ai-je dit à haute voix.
" Je viens de tomber sur cette malheureuse, leur expliquai-je, et je m'apprêtais à faire quelque chose pour elle. "
J'avais parlé très vite, espérant arrêter leurs flèches, aussi j'avais utilisé ma langue maternelle en accompagnant mes paroles de forces gestes destinés à me faire comprendre de ces sauvages. Mais, à mon grand étonnement, l'un d'eux me répondit en un nahuatl très correct :
" C'est ma femme. "
Les flèches des Chichimeca étaient toujours braquées sur moi et je me h‚tai de dire :
" Ce n'est pas moi qui l'ai tuée. Je l'ai trouvée comme ça. Je ne lui aurais pas fait de mal, même si elle avait été en vie. "
L'homme eut un sourire féroce.
" Je voulais l'enterrer, poursuivis-je, avant que les vautours ne viennent s'en repaître. "
L'homme regarda le sillon que j'avais commencé à creuser, puis il leva les yeux vers les charognards qui planaient au-dessus de nous. Son visage sévère s'adoucit un peu quand il me déclara en baissant son arc :
" C'est très aimable à vous, étranger. "
Ses compagnons l'imitèrent et glissèrent leurs flèches dans leur chevelure en bataille. L'un d'eux saisit mon macquauitl et l'examina admirativement.
Un autre entre-
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prit de fouiller mon sac. Je pensais qu'ils allaient peut-être me voler le peu que je possédais, mais j'espérais qu'ils ne me tueraient pas. T‚chant de maintenir ce climat de cordialité, je dis au veuf :
" Je compatis à votre douleur. Votre femme était jeune et avenante. De quoi est-elle morte ?
- D'avoir été une mauvaise femme, répliqua-t-il d'un air sombre. Elle a été
mordue par un serpent à sonnette. "
Je ne voyais pas très bien le rapport entre les deux mais je me contentai de remarquer : " C'est bizarre, elle ne semble pas avoir été malade.
- Elle a survécu à la morsure, grommela-t-il. Mais elle s'était d'abord confessé à Mangeuse de Saleté et j'étais à côté d'elle. Elle a avoué à
Tlazolteotl qu'elle avait couché avec un homme d'une autre tribu et par malheur, elle n'est pas morte après. " II secoua tristement la tête et continua son récit. " On a attendu qu'elle soit guérie, car on n'exécute pas une femme malade. quand elle a été tout à fait remise, on l'a amenée ici, ce matin, pour la faire mourir. "
Je regardai le cadavre en me demandant quel
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