Furia Azteca
loin à
l'est de chez nous. Mais la malchance avait accablé cette expédition et ils en rendaient responsable la funeste " étoile chevelue ".
Une terrible tempête avait dispersé les b‚timents et leur navire avait sombré après s'être fracassé sur des rochers. Seuls Aguilar, Guerrero et deux autres avaient pu fuir le vaisseau naufragé dans un canot placé sur le pont en prévision de ce genre d'accident et ils avaient été fort surpris de se voir rejetés sur une plage très peu de temps après. Leurs deux compagnons s'étaient noyés dans les puissantes vagues déferlantes et ils seraient certainement morts eux aussi si des " hommes rouges " n'étaient pas venus leur porter secours.
Aguilar et Guerrero m'exprimèrent leur gratitude d'avoir été sauvés, accueillis et nourris avec tant d'hospitalité. Mais ils seraient encore plus reconnaissants, me dirent-ils, si les hommes rouges voulaient bien les ramener à leur canot. Guerrero, qui était charpentier, était certain d'être capable de le réparer et de fabriquer des rames pour le faire avancer et ni l'un ni l'autre ne doutait de pouvoir retrouver Cuba en prenant la direction de M'est, si leur dieu leur accordait un temps favorable.
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" Dois-je les laisser partir ? me demanda Ah Tutal à qui je rendais compte de nos entrevues quotidiennement.
- S'ils peuvent retourner à Cuba en partant d'ici, ils n'auront aucune difficulté à revenir ensuite à Uluiimil Kutz et je vous l'ai dit, ce Cuba me semble grouiller d'hommes blancs avides de nouvelles colonies. Est-ce que vous avez envie de les voir envahir votre pays, Seigneur Mère ?
- Non, bien s˚r, fit-il, visiblement inquiet. Cependant, ils pourraient ramener un médecin capable de soigner cette étrange maladie qui se propage parmi nous. Les nôtres ont essayé tous les remèdes qu'ils ont en leur possession, mais il y a chaque jour de nouveaux malades et déjà trois personnes sont mortes.
- Ces deux hommes savent peut-être quoi faire, suggérai-je. Emmenons-les voir les malades. "
Ah Tutal me conduisit avec Aguilar dans une hutte o˘ nous trouv‚mes-un médecin en train de marmonner en se caressant le menton et en fronçant les sourcils au chevet d'une jeune fille tremblante de fièvre. Elle avait le visage luisant de sueur et les yeux brillants et perdus dans le vague. La peau blanche d'Aguilar rosit légèrement quand il s'aperçut que c'était l'une des femmes qui étaient venues lui rendre visite.
" Je regrette de vous apprendre qu'elle a la petite vérole, me dit-il en parlant lentement pour que je le comprenne. Vous voyez, l'éruption commence à envahir son front.""
Je traduisis ses paroles au médecin qui me regarda d'un air incrédule mais qui me dit néanmoins :
" Demandez-lui comment on soigne cette maladie dans son pays. "
Aguilar haussa les épaules et répondit : " On prie.
- Ce sont vraiment des gens arriérés ", grommela le médecin, puis il ajouta : " Demandez-lui quel dieu ils prient.
- Comment ! s'exclama Aguilar, mais le Seigneur Dieu, évidemment. "
Nous n'étions guère avancés, mais soudain l'idée me vint de lui demander : 857
" Nous serait-il possible d'imiter la façon dont vous priez, ce dieu ? "
II se lança dans des explications beaucoup trop compliquées pour la connaissance que j'avais de sa langue et il jugea qu'il serait préférable qu'il nous fasse une démonstration. Nous lui emboît‚mes le pas jusqu'au palais et il se précipita dans sa chambre d'o˘ il ressortit un instant après avec un objet dans chaque main. Le premier était une petite boîte bien fermée qu'Aguilar ouvrit pour nous en faire voir le contenu : un nombre incalculable de petits disques qui semblaient avoir été découpés dans du papier blanc et épais. D'après ce qu'il me dit, je crus comprendre qu'il avait gardé illicitement ou volé cette boîte en souvenir du temps o˘
il était à l'école des prêtres. Je sus ensuite que ces disques étaient faits dans un pain spécial qui était une nourriture sacrée et très puissante, car celui qui en mangeait participait de la force du Dieu Tout-Puissant.
Le second objet était une chaîne de petites perles assemblées à intervalles irréguliers avec des perles plus grosses. Elles étaient toutes d'une même matière bleue que je ne connaissais pas. Bleue et dure comme la turquoise, mais aussi transparente que de l'eau. Je déduisis du commentaire d'Aguilar que chaque perle représentait une prière. Cela me rappela
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