Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
en payer le prix lorsque nous choisissions cette stratégie.
Nos entraîneurs nous demandaient de lancer autour du marbre, soit. Mais pour des lanceurs qui ont peaufiné leur mécanique toute leur vie dans le but dâatteindre la zone des prises le plus souvent possible, câest loin dâêtre évident de la rater à volonté! Nous étions des créatures entraînées à lancer des prises. Lancer intentionnellement à lâextérieur de la zone ne faisait pas vraiment partie de notre répertoire.
On se faisait donc brûler tout le temps. Ce sont ces circonstances, ainsi que la crainte quâil inspirait aux Dodgers, qui rendaient particulièrement captivant le pacte que jâavais conclu avec Bonds.
La saison suivant notre conversation, en 2003, je ne lâai toutefois affronté que deux fois et nous nâavons pas été en mesure de concrétiser notre duel parce que les conditions que nous avions établies ne sâétaient pas réalisées.
à la première occasion, le 13 avril, le match était rendu en 11 e manche. Il nây avait quâun retrait et les Giants avaient un coureur au premier coussin. Il avait fallu que je lâaffronte de manière conventionnelle, et Bonds avait frappé un ballon au champ centre.
La deuxième fois, le 23 juin, nous étions encore en 11 e manche. Bonds était le premier frappeur à se présenter à la plaque et je lui avais accordé un but sur balles.
Il a donc fallu attendre jusquâen 2004 pour que les astres finissent par sâaligner parfaitement.
Câétait le 16 avril. Nous étions en neuvième. Il y avait un seul retrait au tableau et un coureur sur les sentiers. Mais nous détenions une avance de trois pointsâ¦
Jâavais entrepris la manche en accordant un but sur balles au premier frappeur, le voltigeur Jeffrey Hammonds. Marquis Grissom sâétait ensuite présenté au marbre et, derrière lui, Bonds sâétait installé dans le cercle dâattente, près de la ligne du troisième but.
Bonds avait ceci de particulier quâil lui fallait pas mal de temps pour se préparer lorsquâil se présentait dans le cercle dâattente. Il avait une routine dâéchauffement bien à lui qui était un peu longue. à cause de son âge, sans doute. Il était alors sur le point de célébrer son 40 e anniversaire.
Grissom a soulevé un ballon au champ centre et Bonds sâest mis à marcher, vraiment très lentement, en direction du rectangle des frappeurs.
Nous nous regardions droit dans les yeux. Et visiblement, nous avions tous deux conclu que le temps était venu de passer aux actes. Jâai touché la palette de ma casquette pour lui confirmer que notre entente tenait toujours. Bonds a répondu en ajustant son casque.
Le duel pouvait commencer . Game on!
Il y avait 42 662 partisans des Giants dans les gradins. Et ils me détestaient autant quâils vénéraient Bonds, leur superhéros. Même si personne dâautre que Bonds et moi ne savait ce qui se tramait, on sentait le niveau de fébrilité grimper dans les gradins du SBC Park.
Avant dâeffectuer mon premier lancer je me suis dit:
« Fuck , je vais lancer le plus fort que je peux. Ce gars-là est un malade.»
Premier lancer: rapide haute sur le coin extérieur. Fausse balle.
Avec mon deuxième lancer, jâai décidé de marquer mon territoire et de lâéloigner du marbre. Il portait un gros protecteur au coude droit et penchait constamment au-dessus du marbre. Il utilisait aussi un bâton assez court, ce qui lui permettait dâavoir un élan compact. En ce sens, même sâil était gaucher, Bonds sâélançait comme bon nombre de frappeurs droitiers. Son élan était plutôt court. Si on lui lançait la balle à lâintérieur, il était capable de la garder en jeu. à lâexception de Bonds, je nâai dâailleurs jamais vu un autre frappeur à qui on pouvait lancer à lâintérieur et qui était capable de placer la balle en jeu aussi régulièrement.
Je lui ai donc servi une rapide à 99 milles à lâheure à la hauteur des cuisses, directement sur le coin intérieur. Surpris, Bonds a esquissé un mouvement de recul en se rendant compte de la trajectoire que la balle prenait.
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