Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
disais:
«Ãa nâa pas de câlice dâallureâ¦Â»
Bonds ne pouvait que sâattendre à une rapide à lâextérieur et il avait tout de même trouvé le moyen de tourner sur mon meilleur lancer. Directement sur la cible. Près de ses genoux. Et la balle avait quitté le stade à la vitesse dâun OVNI.
Bien entendu, il savait dâavance que jâallais lui servir une rapide. Mais ça nâenlevait rien à lâexcitation du moment. Nous avions conclu un pacte, nous avions convenu que cette bataille serait livrée toute en puissance. Ma rapide contre son formidable élan. Et jâavais lâintention dâaller jusquâau bout.
« Fuck off! Je vais revenir à lâextérieur avec la meilleure rapide que je puisse lancer. Le lancer le plus fort que je puisse lui servir», me suis-je dit.
Je mâinstalle. Je lui lance un plomb. Le projectile file à 100 milles à lâheure et il nây a probablement quâun pouce de balle qui passe au-dessus du coin extérieur. Mais le lancer est un peu trop haut, à la hauteur des cuisses.
Au ralenti, je revois encore la scène dans ma tête.
Bonds sâélance et frappe un coup en flèche dâune puissance ahurissante. En un millième de seconde, la balle rate mon visage de peu. Elle passe ensuite près de la tête dâAlex Cora, notre deuxième-but. Et elle franchit la clôture du champ centre!
Câétait effrayant! Je nâai jamais vu une balle cognée avec autant de puissance. On aurait quasiment dit une trajectoire de frisbee. La balle a touché son bâton à la hauteur des cuisses et elle a parcouru presque tout le terrain à sept ou huit pieds de hauteur, en sâélevant très lentement jusquâà ce quâelle franchisse la clôture du champ centre. Et tout ça, dans un stade où il faisait froid et où la balle ne voyage pas!
Les gens ne comprennent pas à quel point câest difficile de cogner un circuit à San Francisco. à Philadelphie, par exemple, à peu près nâimporte qui peut connaître une saison de 20 ou 25 circuits. Mais pas à San Francisco.
Pourtant, câest dans cette ville que Barry Bonds a cogné 73 circuits au cours dâune même saison. En Californie, en plus, les frappeurs ne peuvent pas cogner autant de circuits quâailleurs à cause dâun phénomène appelé le marine layer , qui fait en sorte que lâair ambiant est un peu plus dense.
Bonds, donc, a failli me cogner la balle en pleine face. Il a failli tuer notre deuxième-but, et notre voltigeur de centre a presque réussi à capter la balle tellement elle était restée basse. Un circuit extrêmement spectaculaire.
Dâordinaire, Bonds était toujours un peu «fendant» lorsquâil cognait un circuit. Mais cette fois, il a baissé la tête et sâest tout bonnement mis à courir. En contournant le deuxième coussin, il mâa jeté un regard et il a touché la palette de son casque pour me saluer.
«Thanks bro!» , semblait-il vouloir dire.
Le pointage de la rencontre était maintenant de 3 à 2 en notre faveur. Il nây avait quâun retrait dâinscrit et jâavais encore un match à sauvegarder.
Jâai mis fin à la rencontre en retirant les deux frappeurs suivants, Pedro Feliz et Edgardo Alfonso, pour récolter mon 66 e sauvetage consécutif.
à mon retour au vestiaire, jâai fait un détour par la salle de vidéo afin de revoir la partie de bras de fer que je venais de livrer à Bonds. Mes amis Casey Deskins et Todd Clausen étaient un peu médusés de me voir rigoler en revisionnant la scène.
â Pourquoi ris-tu? a questionné Todd.
â Je nâai jamais eu autant de fun de toute ma vie!
Jâétais tout à fait sincère. Je venais de vivre les moments les plus exaltants de toute ma carrière. Jâétais à ce moment-là au sommet de mon art. De toute ma vie, je nâavais jamais aussi bien lancé que durant cette période. Et Bonds, de son côté, était le meilleur joueur de tous les temps.
Il venait de me battre dans ce drôle de duel amical, mais jâavais eu tellement de plaisir à y participer!
On aurait dit que toute cette présence au bâton sâétait déroulée au ralenti et quâelle avait
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